La compagnie aérienne Air France a officialisé hier la disparation prochaine de sa filiale à coûts réduits Joon, signant un accord avec les syndicats d’hôtesses de l’air et stewards réintégrant les quelque 550 PNC au sein de la maison-mère. Le programme de vols de Joon ne sera pas affecté.

Treize mois après ses premiers vols au départ de l’aéroport de Paris-CDG, Joon a appris le 10 janvier 2019 sa disparition prochaine. Annonçant un nouvel accord avec les syndicats de PNC (voir plus bas), Air France a détaillé son « projet pour l’avenir » de la filiale visant les millenials, avec l’intégration de ses salariés et de ses avions au sein de la maison-mère. La compagnie précise dans un communiqué que la décision a été prise « après de nombreux échanges avec les salariés et les clients, et des discussions avec les syndicats ». Malgré les « impacts incontestablement positifs de Joon, notamment le travail remarquable des équipes Joon qui ont lancé et fait vivre la compagnie », la marque a dès le début selon Air France été « difficilement comprise par les clients, par les salariés, par les marchés, par les investisseurs » ; la multiplicité des marques « a créé de la complexité et a malheureusement affaibli la puissance de la marque Air France ». L’intégration de Joon devrait apporter de nombreux avantages, notamment l’harmonisation de la flotte, des produits, de la marque. La gestion des opérations serait améliorée grâce à une flotte commune d’avions.

La compagnie de l’alliance SkyTeam explique que tous les vols Joon actuellement vendus ou à la vente « seraient bien sûr assurés par Joon jusqu’à la finalisation du projet puis repris par Air France », aucune date n’étant avancée – des sources syndicales affirment que ce sera d’ici la fin de la saison hivernale fin mars. La simplification du portefeuille de marques, capitalisant sur la marque Air France, « est un atout indéniable pour nos clients, nos salariés et tous nos partenaires », ajoute-t-elle, le projet devant se réaliser « sans impacter l’efficacité économique du Groupe Air France-KLM ».

Air France reprend donc dans son communiqué les arguments avancés par le nouveau CEO du groupe Benjamin Smith fin novembre, quand il avait« clairement fait savoir qu’il ne comprenait pas le positionnement ou l’identité de Joon ». Le projet sera officialisé lors au Conseil d’administration, « curieusement tenu à l’écart » selon La Tribune ; Anne-Marie Rigail, directrice générale d’Air France depuis le mois dernier, ne s’est pas exprimée hier sur le sujet. Dans un courrier aux salariés, Ben Smith a mis en avant son choix de privilégier les classes avant, le développement de l’offre devant « mieux positionner Air France sur le voyage haute contribution ». Les clients premium doivent avoir « la garantie de l’expérience de voyage la plus claire et la plus constante possible », a-t-il déclaré, promettant un réaménagement des cabines pour augmenter le nombre de sièges en Première, classe Affaires et classe Premium au détriment de la classe Economie. « Nous sommes actuellement la seule compagnie major qui n’offre pas encore de produits cohérents ou de sièges full flat en Business, et nous déployons tous nos efforts pour offrir une meilleure expérience afin de créer une promesse de marque à nos clients », a aussi rappelé le dirigeant.

Joon a transporté plus de deux millions de passagers depuis son lancement. Elle propose actuellement 21 destinations au départ de Roissy en grande majorité reprises à la maison-mère, 14 sur le moyen-courrier et sept sur le long-courrier. Cinq routes devaient d’ailleurs être lancées sous ses couleurs au printemps, vers Madrid, Manchester , Prague et Stockholm en Europe ainsi que vers Quito en Equateur en mai, une nouvelle destination dans le réseau d’Air France (plus Saint Martin, où elle remplaçait déjà AF l’été dernier ; mais les Seychelles ne sont plus proposées en direct cet été).

Elle opère actuellement quinze avions en livrée bleue: sept Airbus A320 (174 sièges), quatre A321 (16+188) et quatre A340-300 (30+21+227). Une flotte qui devait monter à 28 appareils à l’horizon 2020, dont 18 monocouloirs et dix gros-porteurs – y compris les premiers des 21 A350-900 commandés par Air France, dont dix lui étaient destinés (les éléments de fuselage du premier A350-900 sont arrivés en décembre à Toulouse).

Air France : l’accord PNC enterre Joon 1 Air JournalAccord avec le personnel navigant commercial

Cette disparition de Joon a été annoncée via l’accord signé hier entre Air France et les syndicats de PNC, qui sont les seuls salariés directs de la filiale – et dont le coût est inférieur de 40% à celui des hôtesses de l’air et stewards de la maison-mère. Après l’accord inter-catégoriel signé le 19 octobre par une majorité des organisations syndicales, représentant 76% des suffrages des dernières élections, un nouvel accord entre Air France et ses personnels navigants commerciaux vient d’être signé, « avec le soutien unanime des trois syndicats représentatifs des PNC d’Air France », le SNPNC, l’UNAC, et l’UNSA-PNC. Cette signature « conclut avec succès les discussions catégorielles menées depuis plusieurs semaines avec les représentants des personnels navigants commerciaux ». Benjamin Smith a déclaré dans le même communiqué : « Je suis très heureux de ce nouvel accord équilibré, qui représente l’aboutissement des discussions catégorielles avec nos personnels navigants commerciaux.  En collaboration avec la SNPNC, l’UNAC, et l’UNSA-PNC, nous avons été en mesure de résoudre de nombreuses préoccupations de nos PNC, tout en travaillant simultanément à aligner leurs intérêts sur ceux d’Air France.  Avec cet accord, je souhaite que la confiance et le dialogue entre Air France et tous nos collaborateurs continuent de s’améliorer, car je crois profondément que c’est par l’adhésion de tous que nous deviendrons un leader mondial ».

Cet accord équilibré est une étape majeure pour « reconstruire la confiance » des personnels navigants commerciaux d’Air France vis à vis du management et de la compagnie et « réinscrire de manière durable l’avenir du métier de PNC au sein d’Air France », explique la compagnie aérienne. Il « améliore les conditions de travail du personnel navigant commercial en réglant bon nombre de préoccupations et va permettre de progresser dans le service apporté à nos clients, et ainsi à Air France d’améliorer son positionnement dans un marché très concurrentiel ».

Les PNC de Joon, recrutés « au prix du marché » mais aussi avec des conditions de travail sur la base européenne dénoncées par leur représentants dès le mois d’aout 2018, avaient à eux seuls permis une baisse globale de 15% des coûts de la filiale, les autres employés (pilotes, mécaniciens etc) étant eux sous contrat Air France. Leur réintégration va forcer Benjamin Smith à chercher d’autres moyens de diminuer ces coûts, d’autant qu’il a déjà accordé une augmentation de salaires de 4% à l’ensemble du personnel (et plus pour le sol et les pilotes). Signataire, le SNPNC par exemple s’est félicité d’un accord « historique qui replace le PNC au cœur d’Air France » et qui marque « la fin d’un cycle infernal où divers projets se sont succédés dont l’unique but était de dégrader le métier de PNC ». Et il affirme que les PNC de Joon auront une rémunération d’entrée à Air France « supérieure à celle qu’ils auraient eu même après vingt années » dans la filiale. On attend encore la réaction du SNPL, qui le mois dernier menaçait de réclamer 40 millions d’euros à Air France si Joon venait à disparaître, « au titre des efforts consentis » par les pilotes.

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©Olivier Nilsson