Le rapport préliminaire sur l’accident d’Ethiopian Airlines le mois dernier a confirmé jeudi les informations fuitées les jours précédents : les pilotes ont suivi les procédures en désactivant le système MCAS, mais n’ont pas pu récupérer le contrôle du 737 MAX. Boeing a reconnu les similarités avec l’accident de Lion Air, mais insiste sur la « sécurité intrinsèque » de son monocouloir remotorisé.

Ce rapport présenté le 4 avril 2019 par l’AAIB (Air Accident Investigation Board) éthiopien sur l’accident du vol ET302 le 10 mars, qui a fait 157 victimes, est principalement basé sur les informations de l’enregistreur des données de vol (FDR). Il confirme que le 737 MAX 8 immatriculé ET-AVJ possédait un certificat de navigabilité valide au moment de l’accident, les pilotes possédaient les qualifications requises et les autorisations nécessaires pour piloter l’appareil, les procédures de décollage étaient nominales et les pilotes ont respecté les procédures. Le directeur de l’AAIB Amdiye Ayalew a précisé que la rédaction du rapport complet devrait prendre « entre six mois et un an », la recherche d’autres problèmes ayant pu affecter l’avion se poursuivant. « L’équipage a réalisé à plusieurs reprises toutes les procédures fournies par le constructeur, mais ils n’ont pas été en mesure de reprendre le contrôle de l’avion », a déclaré la ministre éthiopienne des Transports Dagmawit Moges ; elle a précisé que l’objectif majeur de l’enquête n’était pas de « blâmer » qui que ce soit et en a défendu l’indépendance, affirmant qu’aucune « interférence » n’était à déplorer. Mais elle a demandé à Boeing que « le système de gestion de vol de l’avion soit revu », sans mentionner le système MCAS anti-décrochage mis en cause dans les deux accidents qui ont fait 346 morts en cinq mois.

Le commandant de bord d’Ethiopian Airlines Yared Getachew avait 103 heures de vol à bord du 737 MAX 8 tout neuf, l’un des quatre mis en service par la compagnie aérienne (sur un total de 8200 heures dont 1400 sur 737), tandis que le copilote en avait 56 ; ils avaient respectivement suivi leurs dernières sessions sur simulateur fin septembre et début décembre 2018. S’ils ont initialement suivi les procédures en désactivant le MCAS, le rapport préliminaire n’explique pas pourquoi l’avion n’a pas répondu aux actions du pilote, y compris les deux dernières commandes « pull up » environ 30 secondes avant que l’appareil ne s’écrase. Ni si l’équipage a effectivement réactivé le MCAS (contrairement aux instructions de Boeing) 3 minutes après l’avoir désactivé, l’appareil répondant alors à une commande automatique « nose down » ; ni pourquoi la poussée des moteurs semblait anormalement élevée.

Le rapport précise en revanche que les sondes d’angle d’attaque (AOA) fonctionnaient correctement au roulage, avant d’envoyer des signaux contraires six secondes après le décollage – ce qui laisse penser à un choc aviaire ou de débris ayant abîmé celle de gauche, reliée au MCAS. Le vibreur de manche gauche est alors entré en action et est resté actif presque jusqu’à la fin du vol. Malgré les indications divergentes des sondes, l’équipage a poursuivi la montée, engageant le pilote automatique à environ 1000 pieds. Le copilote a commencé à rentrer les volets ; un peu plus de 30 secondes après son activation, le pilote automatique s’est désengagé, et le commandant de bord a signalé que l’appareil éprouvait des problèmes de contrôle. Huit minutes après son décollage, l’appareil a heurté le sol à une vitesse de 500 nœuds selon la sonde droite, et 458 nœuds selon la sonde gauche.

Ethiopian Airlines a réagi à ce rapport préliminaire, défendant ses pilotes ; le PDG Teweolde Gebremariam s’est dit « très fier qu’ils ont suivi les procédures d’urgence et leur haut degré de professionnalisme dans des conditions extrêmement difficiles », saluant au passage l’Académie d’Ethiopian Airlines et son centre d’entrainement de pilotes. Son homologue chez Boeing Aviation Commerciale, Kevin McAlliser, a de son côté publié un long communiqué dans lequel il reconnait que les données d’angle d’attaque transmises à l’avion par la sonde d’incidence étaient erronées, « provoquant l’activation du système de contrôle automatisé de l’assiette de l’avion MCAS pendant le vol, comme ce fut le cas pendant le vol JT610 de Lion Air ». « Pour que l’activation involontaire du système MCAS ne se reproduise plus », le dirigeant rappelle que Boeing « a mis au point et prévoit de mettre en œuvre » une mise à jour du logiciel MCAS, ainsi qu’un programme d’instruction complet assorti d’une formation supplémentaire à l’attention des pilotes du 737 MAX : cette mise à jour « apporte de nouvelles couches de protection et empêchera l’activation du MCAS par des données erronées. Les pilotes auront toujours la possibilité de neutraliser le MCAS et de reprendre manuellement les commandes de l’avion ». Quand le MAX reprendra les airs, « il sera l’avion le plus sûr qui ait jamais volé », a ajouté Boeing qui a publié une photo de son PDG Dennis Muilenburg assis dans le cockpit d’un 737 MAX pendant un vol d’essai.

Le déroulement détaillé du vol ET302 est disponible ici (en anglais, avec lien vers le rapport préliminaire).

Crash d’Ethiopian Airlines : un rapport préliminaire sans surprise 1 Air Journal

Crash d’Ethiopian Airlines : un rapport préliminaire sans surprise 2 Air Journal