La peur de payer des compensations en cas de retard entre autres facteurs pousserait les compagnies aériennes à indiquer des temps de vol plus longs aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle, et plus lents que ce que les avions peuvent actuellement accomplir. Au détriment en particulier de l’environnement.

Selon une étude de la BBC, dans les années 1960, il fallait cinq heures pour aller de New York à Los Angeles et à peine 45 minutes pour aller de New York à Washington ; aujourd’hui, ces mêmes vols durent respectivement plus de six heures et plus de 75 minutes, « bien que les aéroports ne se soient pas plus éloignés les uns des autres ». Car plutôt que d’améliorer leurs opérations, les compagnies aériennes ont tout simplement intégré les retards moyens enregistrés sur ces parcours et bien d’autres dans leurs horaires, une pratique surnommée « rembourrage » (padding). Pour le passager, l’impact sur le moral est positif : un départ en retard n’empêche pas une arrivée en avance – sur les horaires affichés. Et pour le transporteur, la perspective de devoir payer des compensations de retard (par exemple dans les aéroports européens) s’éloigne un peu plus.

D’après un ancien dirigeant des opérations chez Delta Air Lines, Tom Hendricks, interrogé par la BBC, le problème résiderait en partie dans le fait que les horaires sont conçus par les compagnies aériennes « pour des conditions optimales, mais chaque jour vous pourriez avoir des problèmes météorologiques, de contrôle du trafic aérien ou de perturbations du réseau de l’entreprise et le système doit s’adapter ». Hors, plus de 30% des vols aux USA arriveraient chaque jour avec un retard de plus de 15 minutes, affirme un rapport du DoT (ministère des transports), contre 40% auparavant : le « rembourrage » aurait donc fait reculer les mauvaises statistiques sans le moindre effort de la part des transporteurs. Avec pour conséquence prévisible une augmentation prévisible de la congestion dans les aéroports – et donc des émissions de gaz à effets de serre, des nuisances sonores et de la consommation en carburant. « L’allongement fictif des durées de vol se fait au détriment de l’environnement et surtout du consommateur qui ne peut plus prétendre à indemnisation pour retard. Là encore, il serait temps que Bruxelles donne un cadre directif et impose un temps théorique maximal au-delà duquel le droit à indemnisation se déclenche », déclare Fabrice Dariot, le patron du comparateur de tarifs aériens Bourse Des Vols.

Les compagnies aériennes reconnaissent dans leur ensemble que la ponctualité est synonyme d’économie, particulièrement dans la gestion des avions et des correspondances, et elles ont investi des milliards pour améliorer par exemple les trajectoires de leurs avions – mais sans grand effet aux Etats-Unis, souligne la BBC. Car trop souvent elles font porter le chapeau des retards au contrôle aérien, lui-même sous pression en raison de la croissance constante du trafic. Selon le consultant Michael Baiada du ATH Group, 80% des facteurs de retards sont pourtant imputables aux seuls compagnies aériennes : horaire, file d’attente des flux d’arrivée dans les aéroports, disponibilité des aéronefs, disponibilité des portes, maintenance et respect de la loi pour les équipages. Il suggère des solutions comme une gestion continue de la vitesse et de la trajectoire des vols (et pas seulement après le décollage et avant l’atterrissage) ou le séquençage des avions, laissant les contrôleurs « se concentrer sur la séparation et l’exploitation en toute sécurité de l’espace aérien »…

Des temps de vol faussement trop longs ? 1 Air Journal