Le patron de la compagnie aérienne Emirates Airlines n’y va pas par quatre chemins : les autres opérateurs de l’Airbus A380, dont Air France en particulier, ne savent pas l’utiliser. Et le constructeur va regretter sa décision d’arrêter le programme.

Ayant reçu le 11 novembre 2019 son 113eme A380 sur 123 attendus (le A6-EVJ configuré pour accueillir 14 passagers en Première, 76 en classe Affaires et 426 en Economie), et à la veille du Salon de Dubaï, le président d’Emirates Tim Clark a accordé un entretien exclusif à Airlineratings au sujet du superjumbo. Et n’a pas tenu sa langue sur la façon dont les compagnies concurrentes ont géré l’appareil. Dans le cas d’Air France qui a décidé de se séparer de ses dix exemplaires à l’horizon 2022, l’erreur était selon le président d’Emirates de n’en avoir pas commandé assez (« si vous avez une sous-flotte de 10 appareils, c’est un sacré cauchemar et les coûts sont exorbitants »), et sa décision est donc « la bonne ». Mais il insiste aussi sur l’aménagement de ces superjumbos avec « leurs sièges de classe Affaires pensés dans les années 90, de Première dans les années 80 ou d’Economie dans les années 90 », quant Emirates installait des douches et de grands écrans pour « redéfinir » l’expérience client. L’approche de l’A380 par Air France et Lufthansa était « plus de la même chose », sans oublier British Airways « qui aurait du en commander une centaine » en raison de la congestion de l’aéroport de Londres-Heathrow (où les six vols quotidiens d‘Emirates « sont toujours pleins et le seraient dans des A380-900 plus grands mais jamais lancés »).

Tim Clark dit comprendre la décision des autres opérateurs de ne pas reprendre d’A380, la « mentalité de l’industrie » étant aujourd’hui d’acquérir des avions plus économes et surtout moins chers. Mais il souligne aussi que sur l’axe Dubaï – Los Angeles, le coût en carburant par siège restera « plus faible sur un vol en A380 de 515 places que sur deux vols en 787-9 qui auraient entre 30 et 240 sièges dans notre configuration » (Emirates négocie toujours une commande de 50 Boeing 787-10 Dreamliner). Au vu de ce qui se passe à Dubaï et dans le monde, il y a « encore une place » sur le marché pour l’A380, et « pas besoin de réfléchir, les A330neo et A350 sont les prochaines étapes pour alimenter » en passagers les superjumbos (la commande de ces deux modèles à 40 et 30 exemplaires respectivement n’a pas été finalisée).

Le président d’Emirates Airlines revient aussi sur le « manque de chance » d’Airbus avec son A380, arrivé sur le marché au mauvais moment (en 2007, et dans sa flotte l’année suivante quand la crise mondiale a débuté et que le prix du baril de pétrole est passé à 145 dollars). « S’il était arrivé sur le marché en 2004, il aurait accumulé beaucoup plus de commandes », affirme le dirigeant. Qui pense toutefois que le constructeur européen « va regretter sa décision d’arrêter le programme », une décision annoncée en février dernier. Parce que la situation économique s’améliore, que le trafic mondial ajoute « 160 millions de passagers par an », que le manque de capacité fera automatiquement grimper les prix « significativement » – et que l’A380 pouvait embarquer plus de 500 personnes (615 dans la version la plus dense d’Emirates) « alors que le 777-9 n’en accueillera que 380 »…

Airbus A380: seule Emirates Airlines sait comment l’utiliser 1 Air Journal

©Emirates