L’épidémie du nouveau coronavirus se répand dans le transport aérien : le salon mondial du tourisme qui devait se tenir ce mois-ci à Paris a été annulé. Les dirigeants des compagnies aériennes européennes croient à une accélération de la consolidation déjà en cours, tandis que les annulations de vols et offres commerciales se multiplient dans le monde.

Après l’ITB de Berlin la semaine dernière, une autre grande manifestation prévue en mars 2020 cette fois à Paris a été annulée : le Salon mondial du Tourisme et le Salon Destinations Nature, qui devaient se tenir du 12 au 15 à la Porte de Versailles et attendaient plus de 100.000 visiteurs, ont expliqué la décision par l’interdiction par le gouvernement français de tout rassemblement de plus de 5000 personnes dans un lieu confiné. Un communiqué de l’organisateur Comexposium précise : « Nous savons que les exposants consacrent beaucoup de temps, de ressources et d’efforts pour participer à ses manifestations et nous regrettons de ne pouvoir les accueillir aux dates prévues. Ce n’est donc pas de gaité de cœur que nous prenons cette décision, conscients des conséquences économiques pour nos exposants professionnels du Tourisme, en cette période déjà compliquée pour le secteur ».

Tenue à plus petite échelle à Bruxelles hier, la réunion de l’association A4E (Airlines for Europe) représentant 16 compagnies européennes a bien sûr évoqué l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur le transport aérien : le nouvellement nommé président pour un an Benjamin Smith (CEO du groupe Air France-KLM) et ses homologues chez Lufthansa, IAG, easyJet ou Ryanair sont tous tombés d’accord sur le fait que cette crise, s’ajoutant à celles provoquées par la guerre commerciale USA-Chine ou les conflits au Moyen-Orient, va « accélérer la consolidation » dans le monde. « Il est clair que nous n’avons pas encore vu tous les effets de Covid-19 sur le secteur du transport aérien », a-t-il déclaré, reconnaissant qu’il y a encore en Europe « un certain nombre de transporteurs faibles » – alors que neuf des 23 compagnies aériennes ayant fait faillite l’année dernière étaient européennes.

Willie Walsh chez IAG a ajouté que pour ces compagnies faibles, il ne voyait « pas de porte de sortie », tandis que Michael O’Leary de Ryanair (qui évoquait peu avant « de nouvelles défaillances dans les prochaines semaines ») s’essayait à l’optimisme : les gens « se lasseront des histoires de coronavirus d’ici deux ou trois semaines »… 

Le sentiment avait déjà été partagé la semaine dernière par l’IATA, évoquant pour 2020 la possibilité d’une première réduction mondiale des réservations depuis la crise financière de 2008 – et estimant que l’épidémie pourrait entraîner un manque à gagner total de près de 30 milliards de dollars pour les compagnies aériennes (dont 27,8 milliards pour les seuls transporteurs de la région Asie-Pacifique).

Côté passagers, les annonces de suspension de vols se pour suivent, à commencer par Brussels Airlines qui annonçait hier de nouvelles réductions des vols à destination et en provenance de l’Italie entre le 16 et le 28 mars, en plus de celles déjà effectives. « Comme la demande globale changeante sur les marchés européens et principalement en Italie se poursuit », la compagnie belge est contrainte d’étendre les mesures et de réduire de 30% son offre de vols vers Milan (Linate et Malpensa), Venise, Rome, Bologne et Turin durant la deuxième quinzaine du mois. Les passagers dont le vol est annulé « sont contactés et réservés sur d’autres vols ou peuvent choisir de se faire rembourser intégralement s’ils ne souhaitent plus voyager », précise un communiqué.

Au Danemark, les nouvelles recommandations du gouvernement d’éviter les déplacements non nécessaires vers le nord de l’Italie ont poussé SAS Scandinavian Airlines à suspendre du 4 au 16 mars « tous les vols vers et depuis Milan, Bologne, Turin et Venise ». En Finlande, les mêmes annonces du gouvernement impliquant pour Finnair la suspension des vols vers Milan du 9 mars au 4 avril.

A Singapour, Singapore Airlines et sa filiale SilkAir ont renforcé les annulations de vols annoncées la semaine dernière, la réduction de l’offre d’ici fin mai passant de 7,1% à 10,3%. Parmi les rotations supprimées figurent désormais sept vers Paris-CDG, Milan, Francfort, Londres et les USA étant les destinations les plus affectées hors de Chine, du Japon et de la Corée du Sud.

Aux Etats-Unis, American Airlines a annoncé hier la suspension des vols entre Dallas et Séoul, « en raison de la baisse de la demande », tandis que United Airlines annonçait une mesure de soutien unique aux réservations : quelle que soit la destination, domestique ou internationale, et le tarif choisi (y compris non remboursable), les billets achetés d’ici le 31 mars ne comportent plus de frais de modification. Si le client souhaite annuler son vol, il conservera la valeur de son billet pendant 12 mois et pourra s’en servir pour une nouvelle réservation. United précise d’autre part que ses vols vers la Chine (Pékin, Shanghai, Chengdu et Hong Kong) sont désormais suspendus jusqu’au 30 avril.

On retiendra par ailleurs qu’Etihad Airways a envoyé un Airbus A380 à Wuhan, la ville chinoise au cœur de l’épidémie, apparemment pour rapatrier des ressortissants étrangers. Mais aussi les dérapages qui se multiplient, entre envahissement de la piste à l’aéroport de Fort-de France pour bloquer des passagers venus d’Italie pour une croisière (l’aéroport Martinique Aimé Césaire condamne un « déferlement d’actes malveillants, illicites et haineux perpétrés par des activistes au sein et aux abords » de la plateforme), où la tentative d’un passager canadien d’éviter les frais de modification de vol de Swoop en se faisant passer pour atteint du coronavirus. Ou encore le cas de l’Armée de l’air française forcée de préciser que les cas français de contamination n’avaient pas été causés par les militaires opérant le premier vol d’évacuation de Wuhan en janvier dernier…

Coronavirus : salon, consolidation et annulations 1 Air Journal

©Olivier Fabre/Armée de l’air