Les quarantaines stoppent toute reprise du trafic aérien selon l’Union des aéroports français (UAF), qui prévoit un automne « catastrophique » si les incertitudes créées par les décisions désordonnées des Etats européens ne sont pas levées rapidement. La mise en place de tests à l’échelle du continent est indispensable, un point de vue partagé par l’IATA.

Les prévisions de trafic aérien sur le vieux continent sont catastrophiques selon l’Airports Council International Europe (ACI Europe) : le trafic devrait chuter en 2020 de -69% par rapport à 2019, soit une perte de 1,69 milliard de passagers, et encore de -48% en 2021 (toujours par rapport à 2019). Il faudrait selon l’UAF « attendre 2024 voire 2025 » pour espérer retrouver les niveaux de trafic de l’année dernière. En France, ce trafic aérien a chuté de -62,9% au premier semestre 2020 « et de -81,1% si l’on prend la période marquée par la pandémie de Covid-19 du 1er mars au 30 août 2020 », soit une baisse de 87 millions de passagers.

La décision britannique de quarantaine courant août et les initiatives de nouvelles restrictions au voyage « prises dans le plus grand désordre par les États membres de l’Union européenne » ont inauguré une nouvelle ère d’incertitudes fortes pour le transport aérien. Ces incertitudes, si elles ne sont pas levées très rapidement, « empêcheront toute reprise du trafic aérien, faisant peser le risque d’une catastrophe économique annoncée pour l’ensemble des acteurs du transport aérien en Europe ». Et pour les aéroports en particulier, souligne l’UAF, puisque 80% des revenus des aéroports sont liés au trafic, ainsi que pour « tous les acteurs de la filière du voyage et du tourisme ».

Pour sauver le transport aérien européen, il est nécessaire aujourd’hui non seulement « d’harmoniser à l’échelle européenne les systèmes d’indicateurs sanitaires utilisés dans les différents pays de l’UE » (qui a été dévoilé par le Conseil de l’Europe), mais aussi de mettre en place, dans ce cadre européen harmonisé, un protocole sanitaire européen de testing pour le voyage. Le transport aérien européen « a un besoin urgent et impérieux de la mise en place d’un dispositif de tests, rapides, efficaces et peu onéreux en lieu et place des quarantaines », explique l’UAF.

Il existe, à côté des tests RT-PCR, différents types de tests « qui connaissent des améliorations constantes et rapides, à l’image par exemple des tests antigéniques », rappelle l’association. Couplé avec le protocole européen mis en œuvre par l’EASA au printemps dernier et qui vise à prévenir les risques de transmission pendant le voyage aérien, le protocole européen de test pour le voyage « permettrait ainsi de prévenir et limiter le risque d’importation de cas positifs au COVID-19 par la voie aérienne ». A défaut de protocole européen pour ces tests, l’UAF demande aux pouvoirs publics français « la mise en œuvre de dispositifs de testing dans le cadre d’accords bilatéraux avec d’autres pays européens volontaires ».

A la lecture des prévisions de trafic, le Président de l’UAF Thomas Juin a déclaré : « Les quarantaines stoppent toute reprise du trafic aérien. Nous ne pouvons plus attendre que l’épidémie disparaisse. Le transport aérien a besoin dans l’urgence d’un mode opératoire qui nous permette de fonctionner avec un virus actif tout en prévenant les risques et en assurant la sécurité sanitaire des passagers ». L’UAF attend donc « plus que jamais une initiative européenne de mise en œuvre d’un protocole sanitaire européen de test COVID-19 simple, efficace et peu coûteux pour le voyageur », a-t-il ajouté. « Sans attendre, la France doit, dès à présent, prendre les devants et passer des accords avec nos principaux partenaires commerciaux pour mettre en place des corridors sanitaires ».

L’Association du transport aérien international (IATA) a également déploré hier l’absence de décision européenne sur le remplacement des quarantaines par un protocole de tests harmonisé à l’échelle du continent. Le système annoncé par le Conseil de l’Europe « est loin de ce qu’il était censé offrir : encourager la reprise des voyages grâce à une coordination efficace et des mesures proportionnées, prévisibles et non discriminatoires ». Le manque actuel de coordination entre les États membres « a tué la reprise naissante des voyages et du tourisme, mettant ainsi en péril des millions d’emplois associés au secteur », explique l’association pour qui la recommandation européenne :

  • Ne propose pas de remplacer les quarantaines par des tests, ce qui signifie effectivement que les frontières restent fermées
  • Laisse la porte ouverte aux États membres pour refuser l’entrée aux citoyens voyageant en provenance d’autres États membres, et ne parvient pas non plus à harmoniser les règles applicables aux voyages transfrontaliers et nationaux
  • Est en conflit avec le principe de la communication de la CE du 13 mai selon laquelle les restrictions de voyage devraient être levées entre les zones qui ont des situations épidémiologiques équivalentes («suffisamment similaires»)
  • Ignore l’opinion de l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) selon laquelle les restrictions de voyage – et en particulier les quarantaines – sont d’une «efficacité douteuse» lorsque la transmission communautaire est en cours – ce qui est actuellement le cas dans la majeure partie de l’Europe
  • Ne crée pas une fenêtre de certitude suffisante pour les voyageurs, car les États membres ne se sont engagés à publier des informations sur les nouvelles mesures que 24 heures avant leur entrée en vigueur, au lieu des cinq jours proposés par la Commission.

Ces lacunes « sont un échec politique. L’incapacité du Conseil d’aller au-delà d’une coordination superficielle et d’établir un cadre véritablement harmonisé et viable ne fait plus aucun doute. Les attentes d’une solution efficace reposent désormais sur la Commission européenne, qui a chargé l’EASA et l’ECDC d’élaborer un protocole de test de l’UE pour les voyages ».

Des millions de travailleurs des secteurs des transports et du tourisme « ont besoin que l’Union européenne prenne l’initiative non seulement de soutenir sa reprise économique après la Covid-19 – mais aussi de défendre le droit à la libre circulation des citoyens européens, un principe fondamental de l’UE », conclut l’IATA.

Aéroports français : l’automne sera catastrophique si… 1 Air Journal

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