L’Union des aéroports français (UAF) et ACI EUROPE (Airport Council International Europe) ont saisi la Commission européenne contre l’article 36 du projet de loi « Climat et Résilience », qui prévoit pour l’instant la suppression de quatre liaisons intérieures entre Orly et Bordeaux, Lyon et Nantes et le Marseille – Lyon.

Auditionnée lundi dans le cadre du projet de loi par le député Jean-Marc Zulesi, rapporteur du texte pour le titre III « Se Déplacer », l’UAF s’est une nouvelle fois opposée à l’article 36 du projet de loi relatif à la suppression des lignes domestiques. Un article qui dans sa rédaction actuelle prévoit la disparition de quatre lignes domestiques vers et depuis des aéroports de région : Bordeaux – Orly, Lyon – Orly, Nantes – Orly et Marseille – Lyon, concernant « près d’un million de passagers par an dont plus de la moitié pour la seule liaison Bordeaux-Orly ». Toutes opérées par la compagnie aérienne Air France, qui s’est engagée l’année dernière à supprimer ses trajets pouvant être effectués en moins de 2h30 en train, en échange de l’aide publique.

L’UAF explique dans son communiqué que cette mesure de suppression de certaines lignes domestiques « est en contradiction avec l’obligation de compensation des émissions de CO2 imposées à toutes les compagnies aériennes sur toutes les lignes domestiques ». La compensation obligatoire des émissions prévue à l’article 38 du projet de loi est pour l’association une mesure adaptée pour traiter la question des émissions de CO2 des lignes domestiques dans le contexte de lutte contre le changement climatique, « pourvu que son articulation avec le dispositif européen d’échanges de quotas d’émission (EU-ETS) soit clarifiée ». La compensation fait en effet partie des outils de lutte contre le changement climatique reconnus tant au niveau français qu’à l’international (dispositif CORSIA par exemple).

L’UAF souligne d’autre par que le fondement juridique européen de la mesure est « plus qu’incertain ». L’article 20 du règlement européen 1008/2008 a été conçu afin de permettre aux Etats de faire face à des problèmes graves d’environnement présentant un caractère local et temporaire, « ce qui n’est pas le cas des émissions de gaz à effet de serre ». La volonté du législateur européen semble dès l’origine avoir été d’intervenir « pour faciliter la résolution de problèmes environnementaux graves de nature temporaire et locale et non pas d’en faire un outil dans la lutte contre le changement climatique ».

L’UAF a enfin regretté « l’absence d’études sérieuses sur les conséquences économiques, concurrentielles et environnementales de la mesure ». Ce « tour de passe-passe juridique » a donc été porté devant la Commission européenne par l’UAF et ACI Europe.

« La décroissance du transport aérien dans un seul pays est une illusion. Il est choquant de voir interdire l’accès au marché de l’aérien, sous prétexte de lutte contre le changement climatique, et sur des fondements juridiques trompeurs, sans aucune étude d’impact économique et environnemental. C’est à la fois un coup rude porté à l’attractivité des territoires concernés et aux besoins légitimes de mobilité rapide des Français », a déclaré lors de l’audition Thomas Juin, Président de l’UAF. « La connectivité aérienne joue pourtant un rôle crucial dans l’attractivité et le développement économique des territoires. Est-il besoin de rappeler que 10% de connectivité supplémentaire représente une augmentation de 0,5% de PIB ? Et tout cela pour des gains de CO2 insignifiants : le transport aérien intérieur représente seulement 1,1% des émissions totales de CO2 de notre pays, et les lignes menacées de suppression représentent seulement 0,23% des émissions du transport aérien en France, soit 0,02% des émissions du secteur des transports », a-t-il ajouté.

Dans le cas par exemple de la liaison entre Bordeaux-Mérignac et l’aéroport de Paris-Orly, pour laquelle Air France a lancé une offre TGV, l’UAF rappelle qu’en 2019, le trafic était encore de 566.000 passagers par an. « Ce trafic important, malgré la concurrence du train, est la preuve que le transport ferroviaire est dans l’incapacité aujourd’hui de répondre à la multiplicité des attentes des marchés tant de Bordeaux et sa grande région que de Paris et sa couronne Sud ». Sa suppression entrainera des impacts « économiques, logistiques et touristiques importants sur Bordeaux et sa région, et des effets immédiats sur l’emploi alors même que les territoires aéroportuaires sont des bassins d’emploi très dynamiques ». Elle viendra également « peser sur les besoins en mobilité rapide des habitants des territoire concernés (près d’un tiers des voyageurs de la ligne sont des passagers en correspondance, et la majorité de la clientèle point à point est de type « affaires », liée aux entreprises présentes aux deux bouts) en faisant passer la durée du trajet de 55 mn à près de 3h », conclut l’UAF.

L’UAF toujours opposée à la suppression des lignes domestiques 1 Air Journal

©Roland Seitre-HOP Biodiversité