La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie au regard du règlement sur les concentrations afin d’évaluer le projet d’acquisition de la compagnie aérienne Air Europa par le groupe IAG, qui inclut déjà Iberia, Vueling et Level en Espagne aux côtés de British Airways et Aer Lingus. De crainte d’une réduction de la concurrence sur les liaisons intérieures espagnoles et sur les liaisons internationales au départ et à destination de l’Espagne.

Pas de surprise de la part du gendarme européen de la concurrence sur le projet lancé en 2019 par le groupe IAG d’acquisition de la compagnie privée basée à l’aéroport de Madrid-Barajas (pour 500 millions d’euros, un prix réduit de moitié en raison de la pandémie de Covid-19). IAG et Air Europa sont respectivement les premier et troisième fournisseurs de vols réguliers passagers en Espagne, souligne la Commission dans un communiqué. Elles exploitent chacune un réseau de liaisons intérieures espagnoles, ainsi que des liaisons court-courriers entre l’Espagne et d’autres pays de l’Espace économique européen (EEE) ou des pays en dehors de l’UE, et des liaisons long-courriers entre l’Espagne et le continent américain.

L’enquête préliminaire menée par la Commission sur le marché a révélé qu’IAG et Air Europa étaient en concurrence directe sur le marché des services de transport aérien de passagers en Espagne, « en particulier sur des liaisons reliant Madrid aux États-Unis et à l’Amérique Latine », et sur plusieurs liaisons intérieures et court-courriers, « dont des liaisons d’apport vers Madrid empruntées par les passagers qui poursuivent leur voyage sur des vols long-courriers vers les États-Unis et l’Amérique latine ». À ce stade, la Commission craint que l’opération envisagée ne « réduise sensiblement la concurrence en ce qui concerne les dessertes entre 70 paires de villes de départ et de destination, en Espagne et au départ/à destination de l’Espagne », pour lesquelles les deux compagnies aériennes proposent des liaisons directes. Sur certaines liaisons, IAG et Air Europa étaient jusqu’à présent les deux seules compagnies aériennes présentes.

La Commission est également préoccupée par les effets de l’opération envisagée sur les itinéraires sur lesquels d’autres compagnies aériennes sont tributaires du réseau de vols intérieurs et court-courriers d’Air Europa, pour l’exercice de leurs propres activités à l’aéroport de Madrid et dans un certain nombre d’autres aéroports de l’UE. Sans le trafic d’apport d’Air Europa, certaines compagnies aériennes « pourraient décider de cesser leurs vols vers les destinations internationales qui sont également desservies par IAG, réduisant ainsi le choix des passagers ». À ce stade, la Commission a constaté que la concurrence des autres compagnies aériennes, y compris les low cost européennes, « n’exercerait probablement pas une pression suffisante sur l’entité issue de la concentration sur les liaisons où celle-ci détiendrait des parts de marché élevées ». De même, la pression concurrentielle exercée par les compagnies aériennes européennes en réseau ou les compagnies aériennes latino-américaines « semble insuffisante ».

Cette acquisition de la compagnie de l’alliance SkyTeam par le groupe affilié à Oneworld a été notifiée « à un moment où la reprise du secteur aérien à la suite la pandémie de Covid-19 est encore incertaine », souligne le communiqué. La Commission a examiné dans quelle mesure la crise sanitaire aurait une incidence sur les activités d’IAG, d’Air Europa et de leurs concurrents et, par conséquent, « sur l’environnement concurrentiel à moyen et à long terme ». Mais elle reconnait ne pas avoir été en mesure de déterminer si, à long terme, les entreprises continueraient à se livrer concurrence sur chacune des liaisons où elles étaient en concurrence avant la crise, sur la base des informations disponibles au cours de la première phase de l’enquête. Toutefois, la Commission estime à titre préliminaire qu’IAG et Air Europa « restent les deux concurrents réels et potentiels les plus proches en ce qui concerne les paires de ville de départ et destination pertinentes sur lesquelles a porté l’enquête ».

IAG et Air Europa ont conclu un protocole d’accord avec deux compagnies aériennes espagnoles en tant que repreneurs potentiels, m »ais ont décidé de ne pas proposer de mesures correctives au cours de l’enquête initiale » selon la Commission. Qui va maintenant procéder à un examen approfondi des effets de l’opération envisagée, afin de déterminer « si elle est susceptible de réduire de manière significative l’exercice d’une concurrence effective ».

Pour Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, « IAG, qui exploite notamment les réseaux d’Iberia et de Vueling, et Air Europa sont des compagnies aériennes de premier plan en Espagne. Ce sont aussi des prestataires de connectivité essentiels entre l’Espagne, le reste de l’Europe et l’Amérique latine. Nous évaluerons attentivement si l’opération envisagée est susceptible de nuire à la concurrence sur les liaisons intérieures, court-courriers et long-courriers au départ et à destination de l’Espagne, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix et une baisse de la qualité pour les passagers. Si de nombreuses compagnies aériennes connaissent encore une situation financière précaire, certains signes indiquent que la demande de services de transports aériens est en train de se relever de la crise du coronavirus. Il est important de veiller à ce que la reprise dans ce secteur se fasse dans un environnement concurrentiel garantissant le maintien d’un choix suffisant pour les passagers ».

L’opération envisagée a été notifiée à la Commission le 25 mai 2020. IAG et Air Europa ont décidé de ne pas présenter d’engagements. La Commission dispose à présent de 90 jours ouvrables, soit jusqu’au 5 novembre 2021, pour prendre une décision. L’ouverture d’une enquête approfondie ne préjuge pas de l’issue de la procédure.

Air Europa, qui appartient actuellement à Globalia, groupe espagnol du secteur du tourisme, est la troisième compagnie aérienne d’Espagne (après IAG et Ryanair) et la seule compagnie en réseau à exploiter « un réseau en étoile » centré sur l’aéroport de Madrid. Avant la crise sanitaire, Air Europa desservait 62 destinations, principalement en Europe et en Amérique du Sud.

Rachat d’Air Europa par IAG : une enquête approfondie lancée 1 Air Journal

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