Un nouveau business plan avec des orientations stratégiques a été présenté lundi par le directeur général de Madagascar Airlines (ex-Air Madagascar), Thierry de Bailleul. Il doit permettre une rentabilité en moins de deux ans, grâce notamment à la suspension (provisoire) des vols internationaux (vers l’Hexagone), ou à l’annulation du contrat de location pour trois Embraer E190-E2, qui devraient être vite remplacés par des E190-E1.

Lors d’une conférence de présentation à la presse, Thierry de Bailleul a notamment donné les explications de l’arrêt des vols internationaux, « en tous cas provisoirement », plus exactement des vols ACMI (wet lease) vers la France. L’arrêt des vols long-courriers reste une « solution temporaire soumise à la reprise des vols long-courriers non plus en ACMI mais en dry lease ».

Les vols internationaux n’étaient pas rentables car opérés en wet lease, plaide-t-il, c’est-à-dire avec un équipage qu’il fallait rémunérer, « alors que nous avons nos ateliers de maintenance, nos propres pilotes… ». « Ce n’était peut-être pas le système le plus efficace. Malheureusement, on y est peut-être resté un peu trop longtemps. » « Pendant dix-huit mois », précise-t-il alors que chaque aller-retour long-courrier faisait perdre quelque 300 000 à 320 000 dollars, soit environ 2, 8 millions de dollars par mois. « C’est beaucoup, il fallait bien évidemment stopper ceci puisque nous allions tout droit vers une catastrophe économique. »

Les vols ACMI sont donc suspendus, avec l’approbation des pouvoirs publics sous condition, ajoute le président directeur, « c’est que nous reprenions les vols long-courrier dès que nous aurons des avions en propre, en dry lease », donc avec leurs propres équipages. « Et pour ça, nous avons besoin d’un plan de financement avec des partenaires techniques et financiers », prévient-il.

Autre décision importante, le contrat de location de l’Embraer 190-E2 signé en 2022 est annulé. « Après réflexion, nous avons considéré que ce type d’avion est moins adapté à nos besoins spécifiques à Madagascar », a rapporté Thierry de Bailleul qui s’est résolu à admettre « qu’il est trop tôt pour Madagascar Airlines de miser sur un Embraer 190-E2 ». Le contrat avait été réalisé avec la société de leasing Azorra en décembre 2022, pour un appareil pouvant accueillir jusqu’à 150 passagers et voler durant 7 heures. Le premier exemplaire n’est jamais arrivé.

Pour la petite histoire, rapporte le site spécialisé Air Data News, le jet E190-E2 portant le numéro de série 19020016 (le fameux qu’a attendu Madagascar Airlines toute cette année 2023, avant la décision d’annuler la commande) est ce que l’on pourrait qualifier d’avion maudit. Pendant deux ans, l’avion Embraer a été initialement enregistré auprès de Fuzhou Airlines, mais n’a pas de numéro d’enregistrement désigné. L’accord a été conclu et Embraer a également placé le E190-E2 sur la liste d’expédition d’Air Astana, au Kazakhstan, sans suite. Vint ensuite Congo Airways, qui troque une commande de E175 contre le E2. L’avion 19020016 porte même les couleurs de la compagnie aérienne et a également un nom, « Etienne Tshisekedi », homme d’État de la république démocratique du Congo, ancien Premier ministre du Zaïre et président de l’Union pour la démocratie et le progrès social. Même si à ce moment-là, l’E190-E2 était opérationnel, la compagnie aérienne congolaise ne décolle pas. C’est alors qu’intervient Azorra Aviation, une société de leasing américaine, qui négocie le contrat avec une autre compagnie africaine, Madagascar Airlines…

Pour en revenir à l’abandon du E2 d’Embraer, le patron de la compagnie malgache ne remet pas en question la qualité des avions fabriqués par le constructeur brésilien, mais la fiabilité de ses moteurs produits par le motoriste américain Pratt & Whitney. « Il y a d’énormes soucis par rapport à ces moteurs. Le motoriste qui les conçoit recourt certes à une technologie révolutionnaire performante mais ces moteurs restent pour le moment fragiles. Et ceci représente un taux de pannes élevé », indique-t-il dans des propos relayés par 2424.mg.

Pratt & Whitney a en effet rencontré des problèmes sur ses moteurs  destinés aux avions de la famille Embraer E2  ainsi qu’A220 d’ailleurs (PW1900G et PW1500G respectivement). En fait, c’est toute la famille des moteurs GTF de Pratt & Whitney qui rencontre depuis plusieurs longs mois des problèmes de fiabilité opérationnelle, mais aussi de lenteur des réparations. En juillet dernier, le motoriste américain a également annoncé  qu’un nombre « significatif » de ses moteurs PW1100G équipant l’ensemble de la famille Airbus A320neo devaient être retirés pour inspection.

L’annulation du  contrat D’E2  est « sans dommage, intérêt ou pénalité » pour Madagascar Airlines.  En contrepartie, l’exploitation d’E190-E1  serait déjà une option très encouragée par les autorités malgaches, d’après Thierry de Bailleul. Trois Embraer 190-E1 sont projetés d’être acquis.

Les nouvelles orientations stratégiques de ce business plan -d’autres sont à venir encore – doivent permettre à Air Madagascar de retrouver l’équilibre financier « en moins de deux ans », prédit son directeur général.

Madagascar Airlines prend des virages stratégiques avant la « catastrophe économique » 1 Air Journal

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