Histoire de l’aviation – 9 janvier 1943. La déclaration de guerre n’a pas rendu les choses faciles pour le constructeur aéronautique Lockheed qui avait lancé en 1939 un projet portant sur un avion destiné à assurer un service de transport commercial. Mais en dépit des difficultés, l’appareil, un avion quadrimoteur connu sous le nom XC-69, est enfin une réalité : alors qu’il est encore au stade de prototype, ce samedi 9 janvier 1943, il va pouvoir prendre la direction du ciel pour un tout premier vol.
Aux commandes de l’avion, dont l’assemblage a été réalisé à Santa Monica, on retrouve l’aviateur Eddie Allen. C’est lui qui assurera le vol d’essai de cet appareil Lockheed Constellation équipé de quatre moteurs Wright Cyclone, qui chacun est en mesure de fournir 2 200 chevaux de puissance.
S’il accueillera ses premiers voyageurs en février 1946, pour le compte de la compagnie aérienne TWA, pour l’heure, la Seconde Guerre mondiale va le détourner, dans un premier temps, du monde civil, il rejoindra ainsi la flotte de l’armée pour transporter des troupes militaires.
Dakota a commenté :
9 janvier 2025 - 12 h 29 min
Une grande date dans l’histoire de l’aviation civile après la fin de la guerre (même si les cdb des Constellation et, dans une moindre mesure, des Super Constellation, auront de sacrés sueurs froides : voir le livre de Charles Lechevallier, notamment le récit du vol du 18 février 1947…)
Constellation: Silhouette racée mais... a commenté :
12 janvier 2025 - 7 h 56 min
Le Constellation: l’un des plus beaux avions civils jamais construits
Cette photographie de profil montre bien sa silhouette racée digne d’un appareil de course, qui exploitait totalement toutes les connaissances du temps en aérodynamique.
Il faut se souvenir que de tout temps, les transporteurs aériens en concurrence avaient deux demandes prioritaires auprès des constructeurs: l’autonomie qui permettait en augmentant de supprimer des escales d’avitaillement en kérosène devenues inutiles, gagnant ainsi en temps et en coûts, et la vitesse qui permettait de gagner encore plus de temps…
Lockheed développa le Constellation dans ce but et définitivement cette silhouette remarquable à maints égards.
Techniquement, ces raffinements ont une conséquence majeures bien visible pour le fuselage: il n’y a pas deux cadres de fuselage identiques en diamètre. Chacun d’eux est unique et spécifique. Il s’en suit une impossibilité de construction ” à la chaine” de cadres interchangeables: pas une difficulté en soi, mais juste une cause d’augmentation irrationnelle des coûts de construction et d’ assemblage de l’appareil.
Le Constellation fut un appareil très cher à construire, et donc très cher à l’achat…
Mais dès l’après guerre, tout en exigeant augmentation des autonomies et de la vitesse, les compagnies aériennes inclurent deux autres paramètres dont l’importance ira grandissante au fil du temps: l’ augmentation des capacités de charge, qu’elle soit passagers ou fret…et les coûts d’achat d’entretien et d’exploitation des appareils.
Les avions durent grossir…
Et en y regardant de plus près, on s’aperçoit que la ligne racée du Constellation devint son principal handicap: compte tenu du coté unique de son design, impossible d’ augmenter les capacités d’emport de la cabine en simplement étirant cette dernière par rajout de tronçons supplémentaires avant et après les ailes!
Douglas, alors le principal concurrent de Lockheed sur ces marchés d’appareils de transport civils, s’en sortit très bien et moindre coût en retouchant son DC4 pour le transformer en DC6 ( diamètre identique du fuselage)…
Chez Lockheed, on convint alors qu’il faudrait pour le Constellation reprendre à zéro toute l’architecture de la cabine pour agrandir la machine et suivre les demandes du marché…mais cela impliquait de tels besoins de financements pour une réussite commerciale incertaine car on réalisait que cette nouvelle machine serait elle aussi chère pour les acheteurs…Lockheed repoussa l’instant de décision de ces investissements autant que possible…pendant que Douglas surfait sur la vague…
Ainsi naquirent le Super Constellation d’abord puis le Starliner ensuite…
Et si la technique fut un succès indéniable, le succès commercial fut moins évident: ces appareils restèrent très chers à l’achat et en exploitation et leur surnom ( la Rolls de l’air) est significatif.. quand les DC6 ( puis 7 chez Douglas qui poussa jusqu’au maximum son avantage) gagnèrent eux le surnom de “camion” ..
Confrontés à cette sorte d’impasse , chez Lockheed on voulut faire un grand coup en remplaçant la lignée des Constelletion par un appareil “disruptif” à technologie novatrice, à l’image de ce que les Anglais faisaient avec le Vicker Viscount: ce fut l’abandon du moteur à piston et la sortie de l’Electra quadriceps turbopropulseurs ….Sauf qu’avec les atermoiements passés au sujet du Constellation et la perte de temps engendrée les avancées techniques allèrent plus vite que Lockheed, et l’Electra arriva lui trop tard sur le marché ce qui engendra un succès commercial très limité…et mis en péril les fiances et la survie même de Lockheed-appareils civils: les promesses d’avenir radieux vers lequel se tournaient les yeux, et les investissements, des compagnies aériennes, étaient aux appareils à réaction pure, et les Boeing 707 ( plutôt long courrier) et 720 ( le même mais à l’autonomie de moyen courrier) gelaient le marché.
Douglas, fort de son image auprès des compagnies, réussit in extremis question timing à s’accrochera marché en développant vite et avec succès le DC8..mais Lockheed loupa totalement le coche!
Plus tard, quand viendra le temps des gros porteurs long courrier, Lockheed tentera u retour sur le marché spécifiquement civil avec le Tristar qui fit là aussi une réussite technique ..mais ne s’imposa pas vraiment face au DC10 de Douglas.
Les investissements pour le Tristar et son échec commerciale relatif achevèrent presque la capacité à survivre de Lockheed qui restait très fort et très présent par ailleurs dans le domaine militaire.
les dirigeants de Lockheed prirent alors une décision radicale: la sortie définitive de Lockheed du marché des avions de transport civils!
Ainsi, paradoxalement, c’est cet avion légendaire à la beauté inégalée que fut le Constellation, qui à l’origine lointaine du début des déboires de Lockheed dans l’aviation civile…
Belle mise en perspective historique! a commenté :
13 janvier 2025 - 13 h 54 min
Merci de cette mise en perspective “long terme” de l’influence ( néfaste?) de cet avion sue la firme Lockheed : je n’y aurais pas pensé ainsi!
Grinch' a commenté :
13 janvier 2025 - 19 h 23 min
Belle analyse qu’il me semble utile de compléter sur quelques points :
Dans les années 50, Douglas et Lockheed se partageaient le marché des avions de ligne avec des appareils à moteurs à pistons car ils ne croyaient pas en l’avenir à court et moyen termes aux turboréacteurs, jugés (à juste titre au début des années 50) trop fragiles, trop gourmands, pas assez puissants et nécessitant trop d’entretien.
Les deux constructeurs étudiaient alors des projets d’avions à turboréacteurs (par exemple le L-193 pour Lockheed), mais ont finalement jugé plus sage de perfectionner leurs best sellers respectifs : les DC-4, Constellation, et leurs dérivés.
Quand Boeing s’est risqué à étudier le model 367-80 (dont le 707 est issu), l’idée était d’abord et avant tout de fournir l’armée américaine, qui a d’ailleurs été la première cliente pour un dérivé de ce prototype, avec une commande dès août 1954 (puis une autre en février 1955) de KC-135. C’est parce que l’avenir militaire de ce jet était assuré que Boeing se lança sérieusement dans la mise au point du 707, en même temps que Douglas dans celle du DC-8. Lockheed, de son côté, s’est montrée circonspecte et a préféré se tourner vers l’Electra.
Dans les premiers temps, les commandes de 707 et de DC-8 n’étaient pas mirobolantes. Les compagnies hésitaient à s’offrir des jets à réaction, qui certes transporteraient (par rapport aux DC-6 et Super Constellation) deux fois plus de passagers deux fois plus haut et deux fois plus vite, mais avec des coûts d’exploitation bien supérieurs et avec des risques pas encore totalement maîtrisés, la dramatique expérience des De Havilland Comet étant encore toute fraîche…
Le choix prudent de Lockheed de se tourner vers les turbopropulseurs plutôt que les turboréacteurs pouvait donc sembler justifié.
Sauf que la mise en service des 707 et des DC-8 a subitement rendu obsolète les avions de génération précédente. Les Starliner parurent totalement démodés un an à peine après leur mise en service ! Et l’Electra n’est bien évidemment pas parvenu à inverser la tendance.
La prudence de Lockheed a alors coûté très cher à la firme, qui tenta quelques années plus tard de rattraper le coup avec le Tristar. Mais si celui ci conduisit finalement à l’abandon du marché civil par Lockheed, ce fut cette fois à cause de choix techniques malheureux : motoriste unique, architecture du moteur d’empennage empêchant toute modification, train d’atterrissage non adapté à des versions plus lourdes…
Bref : du Constellation au Tristar, Lockheed a accumulé des erreurs de conception et de jugement, qui s’achevèrent en décembre 1981 avec la décision d’abandon du marché civil.
Assistons nous aujourd'hui à un remake? a commenté :
14 janvier 2025 - 7 h 24 min
Après lecture de l’enchainement long terme des événements chez Lockheed que vous décrivez, et la conclusion que vous mentionnez, une question me vient à l’esprit: Et si nous assistions aujourd’hui en direct au même processus conduisant in fine à la même conclusion, mais chez…Boeing cette fois-ci, le Max remplaçant le Constellation dans la genèse des événements?
L’avenir le dira…
A une difference près... a commenté :
14 janvier 2025 - 20 h 04 min
Si le déconfiture de Lockheed ( domaine civil) semble avoir été due essentiellement à des choix techniques conduisant à des impasses commerciales , comme le posent des intervenants ici, pour ce qui est de Boeing, si un tel ” enchainement à la Lockheed ” devait se préciser, cela serait plutôt dû au choix fondamental de privilégier le financier avant tout…