Une situation paradoxale secoue actuellement l’industrie aéronautique mondiale : les moteurs Pratt & Whitney (P&W), particulièrement les modèles PW1000 GTF (Geared Turbo Fan) qui équipent des Airbus A320neo, atteignent sur le marché de la location et de la revente d’occasion des prix presque équivalents à ceux de l’avion complet. Cette surévaluation financière atteint un tel niveau que, dans certains cas, les moteurs d’occasion loués coûtent autant que le reste de l’appareil.

Cette situation inédite s’explique par la pénurie sévère de moteurs neufs et révisés disponibles sur le marché, conséquence de difficultés persistantes dans les chaînes d’approvisionnement, de retards de production et d’un engorgement des ateliers de maintenance. L’impact de cette pénurie se fait sentir jusque dans les parcs d’appareils neufs. Selon une enquête de l’agence Reuters, plusieurs dizaines d’Airbus A320neo pratiquement neufs sont envoyés à la casse pour récupérer leurs moteurs d’occasion. Le cas extrême est illustré dans un cimetière d’avions à Castellón, en Espagne, où des appareils opérationnels sont désossés pour récupérer leurs moteurs, rares et très demandés.

Les moteurs Pratt & Whitney GTF, dont le prix catalogue avoisine les 12 millions de dollars l’unité, sont confrontés à des délais de maintenance et de livraison qui se comptent en mois, voire en années. Cette situation cause un goulet d’étranglement qui limite la disponibilité des avions, freine la croissance des compagnies aériennes et entraîne des perturbations majeures dans les programmes de vols.

Conséquences économiques et logistiques pour les compagnies aériennes
Pour les compagnies aériennes, la rareté des moteurs agit comme un frein à la rotation de leurs flottes. Certaines sont contraintes à immobiliser des avions en état de vol faute de moteurs disponibles, ou à cannibaliser des appareils récents pour en extraire les moteurs destinés à d’autres. Cette situation provoque une inflation des prix de location des moteurs, ainsi que des hausses de coûts opérationnels.

Les enjeux sont cruciaux, car la motorisation représente une part importante de la valeur technique et économique d’un avion. Par exemple, dans certains cas, la valeur locative d’un moteur P&W GTF d’occasion est désormais comparable à celle de l’ensemble du fuselage d’un Airbus A320, selon l’agence Reuters.

Vers une réponse industrielle et stratégique
Face à cette crise, les motoristes et les fabricants d’avions travaillent à accélérer la production et la maintenance des moteurs, tout en explorant des solutions alternatives telles que la mutualisation des équipements et des programmes de location temporaires. Les compagnies aériennes adaptent également leurs stratégies pour optimiser la gestion de leurs ressources, tandis que les acteurs industriels cherchent à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement.