Un Airbus A321 de JetBlue reliant Curaçao à New York a croisé vendredi dernier la trajectoire d’un avion-citerne de l’US Air Force au-dessus de la mer des Caraïbes. Une collision a été évitée de peu selon les paroles mêmes d’un pilote de JetBlue, ce qui remet en question la coordination aérienne entre avions civils et militaires.

Selon des échanges radio publiés sur YouTube par des observateurs du contrôle aérien (voir ci-dessous), le vol JetBlue B6xxx venait à peine de quitter l’aéroport de Willemstad (Curaçao) lorsqu’un KC-135 Stratotanker de l’armée américaine est passé juste devant lui, en direction de l’espace aérien vénézuélien. Le commandant de bord a immédiatement signalé l’incident : « Ils n’ont pas activé leur transpondeur, c’est scandaleux. Nous avons failli entrer en collision. » D’après les estimations du pilote, la distance entre les deux appareils aurait pu être inférieure à trois kilomètres.

La conversation avec les contrôleurs a été enregistrée et est disponible sur le site LiveATC.net. Le transpondeur est l’émetteur-récepteur qui permet au trafic aérien de le repérer. « Scandaleux », lui répond le contrôleur aérien. « Vous avez tout à fait raison ».

Une enquête ouverte par l’US Air Force

Le Commandement Sud des États-Unis (U.S. Southern Command), responsable des opérations militaires dans la région, a confirmé qu’une revue interne était en cours. « Nous sommes au courant des informations récentes concernant des opérations d’aéronefs militaires dans les Caraïbes et procédons à un examen approfondi des faits. La sécurité reste notre priorité absolue », a déclaré le colonel Emanuel L. Ortiz, chef de la communication de l’US Southern Command.

L’incident a également été signalé aux autorités fédérales américaines par JetBlue. « La sécurité est notre priorité. Nos équipages sont formés à différentes procédures en vol et nous les remercions d’avoir immédiatement rapporté cet événement à notre direction. Nous collaborerons pleinement à toute enquête », a commenté la compagnie new-yorkaise.

L’incident survient dans un ciel déjà extrêmement militarisé autour du Venezuela, où les États-Unis ont nettement renforcé leur présence aérienne et navale depuis l’automne 2025 dans le cadre d’opérations de pression contre le régime de Nicolás Maduro, qui combinent lutte antidrogue déclarée et pression politico‑militaire sur Caracas.

Fin novembre, l’Agence américaine de l’aviation civile, la FAA, avait demandé aux vols opérant dans la région où se trouve le Venezuela de faire preuve de prudence. Elle avait justifié cet avis par une détérioration des conditions de sécurité et du renforcement de l’activité militaire au Venezuela et dans ses environs.

Un vide réglementaire toujours non comblé

Ce n’est pas le premier incident de ce type en 2025. En mars, un Embraer 175 d’American Eagle était entré en collision avec un hélicoptère Black Hawk de l’armée lors d’une approche de Washington Reagan (DCA). Il a coûté la vie à 67 personnes. Il s’agit de l’accident le plus meurtrier aux États-Unis depuis près de deux décennies. Le rapport préliminaire du NTSB avait révélé que l’appareil militaire ne diffusait pas sa position via son transpondeur ADS‑B.

Des signes avant-coureurs de la catastrophe sur le fleuve Potomac étaient bien  présents, ont déclaré les enquêteurs du NTSB, citant des données détaillant des milliers de quasi-collisions à l’aéroport sur plusieurs années. Les enquêteurs ont découvert 15 214 « événements de quasi-collision » entre 2021 et 2024, où des avions se trouvaient à moins d’un mille nautique de la collision, avec une séparation verticale inférieure à 400 pieds. De plus, il y a également eu 85 cas où deux avions étaient séparés par moins de 1 500 pieds, avec une séparation verticale inférieure à 200 pieds, selon le NTSB.

Dans l’aviation civile, le signalement automatique de position — via le système ADS‑B Out — est obligatoire pour tous les avions volant en espace aérien contrôlé. Les aéronefs militaires ont longtemps bénéficié d’une exemption, justifiée par des considérations de sécurité opérationnelle.
Mais depuis les accidents récents, plusieurs parlementaires américains tentent de faire évoluer la législation. Un projet de loi bipartisan, surnommé ROTOR Act, souhaite imposer l’utilisation de l’ADS‑B en mission non-combattante. Une disposition du National Defense Authorization Act, encore débattue au Congrès, pourrait toutefois maintenir la dérogation actuelle.