Près d’un an après le drame aérien qui a coûté la vie à 179 personnes, le Parlement sud-coréen a voté à une écrasante majorité l’ouverture d’une enquête parlementaire indépendante.
L’objectif : faire la lumière sur les zones d’ombre entourant le crash du Boeing 737-800 de Jeju Air à Muan, entaché de soupçons de dissimulation et de conflits d’intérêts.
Le 29 décembre 2024, un Boeing 737-800 de la compagnie sud-coréenne Jeju Air, assurant la liaison entre Bangkok et Muan, s’est écrasé à l’atterrissage à environ 288 kilomètres au sud de Séoul.
Après avoir signalé un impact aviaire peu avant de toucher la piste, l’appareil aurait atterri train rentré, un « belly landing » ou atterrissage sur le ventre avant de heurter violemment une butée en béton en bout de piste (soutenant les antennes de navigation appelées «localisateurs»), provoquant une explosion et un incendie généralisé. Sur les 181 passagers et membres d’équipage, seuls deux ont survécu.
Selon des éléments préliminaires publiés par l’Aviation and Railway Accident Investigation Board (ARAIB), des restes d’oiseaux ont été retrouvés dans les moteurs, confirmant une collision aviaire. Mais la question de la gestion technique du vol et des défaillances structurelles de l’aéroport reste au cœur des controverses. Le rapport ne dit pas ce qui a pu conduire les deux boîtes noires à cesser d’enregistrer simultanément juste avant que les pilotes ne lancent le « mayday ». L’avion se trouvait à une altitude de 498 pieds (152 mètres) et volait à 161 nœuds (298 km/h) au moment où les boîtes noires ont cessé d’enregistrer.
Une commission parlementaire dotée de larges pouvoirs
Face à la colère persistante des familles, insatisfaites face à l’annonce d’une erreur présumée de pilotage- les pilotes ont coupé par erreur lemauvais moteur après un impact aviaire– l’Assemblée nationale a approuvé lundi la création d’un comité d’enquête parlementaire de 18 membres, par 245 voix contre 1. Son mandat initial de 40 jours, reconductible, couvre notamment : le traitement de l’ingestion aviaire par les équipes de maintenance et les autorités aéroportuaires ; d’éventuelles défaillances mécaniques du Boeing 737-800 ; le rôle de la structure en béton à l’extrémité de la piste de Muan ; et les accusations de manipulation ou de dissimulation de preuves pendant l’enquête officielle. Le comité pourra convoquer des représentants du ministère sud-coréen des Transports, de la Korea Airports Corporation et de Jeju Air, et exiger la production de documents ou de témoignages sous serment.
Soupçons de conflit d’intérêts et colère des familles
Le cœur de la contestation vise l’ARAIB, rattachée administrativement au ministère des Transports, le même organisme chargé de la sécurité aéroportuaire et donc, indirectement, responsable des infrastructures incriminées. Les familles des victimes y voient une situation intenable : « Il y a une contradiction structurelle où l’autorité chargée d’enquêter est aussi celle qui doit être mise en cause », dénoncent-elles, soulignant une violation du principe d’indépendance inscrit dans l’annexe 13 de l’OACI.
En décembre, l’ARAIB avait reporté in extremis ses auditions publiques, prévues les 4 et 5 décembre, destinées à présenter un rapport d’étape. Les proches ont immédiatement dénoncé un « auto-examen » et une tentative de « minimiser et couvrir le désastre »
Cette controverse s’inscrit dans une crise plus large de confiance entre les citoyens et les institutions sud-coréennes face aux catastrophes publiques.
L’affaire rappelle les luttes de longue haleine menées par les familles des victimes du naufrage du ferry Sewol en 2014 (304 morts) ou du drame d’Itaewon en 2022 (159 morts lors d’une bousculade). Dans ces deux affaires, comme aujourd’hui, les familles avaient dénoncé l’opacité des enquêtes et la lenteur des procédures officielles.
Selon les règles de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), si le rapport final d’enquête n’est pas disponible dans les douze mois suivant un crash, un rapport intermédiaire doit être publié. L’ARAIB est donc tenue de communiquer avant le 29 décembre 2025. Le comité parlementaire espère utiliser cette échéance pour forcer la transparence et restaurer la crédibilité de la politique de sécurité aérienne du pays.

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