Comac devrait manquer largement ses objectifs de livraisons de C919 en 2025, illustrant ses difficultés à industrialiser son moyen‑courrier vedette malgré un carnet de commandes rempli. Comme Airbus et Boeing, l’avionneur chinois se heurte à une combinaison de goulots d’étranglement industriels et de tensions géopolitiques qui freinent sa montée en cadence.
Selon l’agence Bloomberg, Comac a livré 13 C919 au 22 décembre 2025, soit le même nombre qu’en 2024, alors qu’il visait initialement 75 appareils pour l’année avant de revoir son objectif à 25. Avec quelques jours restants seulement, le constructeur devrait donc manquer d’environ moitié son objectif révisé et de plus de 80% sa cible initiale, malgré une demande soutenue de la part des compagnies aériennes chinoises. China Eastern, Air China et China Southern, qui attendaient 32 appareils en 2025, n’en avaient reçu que cinq à fin septembre, selon leurs documents réglementaires, rapporte de son côté l’agence Reuters, citant un observateur du secteur : « Comac est confronté à la réalité d’une montée en cadence bien plus complexe que prévu pour le C919 ».
Pressions géopolitiques et dépendance aux fournisseurs étrangers
Le programme C919, lancé en 2007 pour concurrencer les monocouloirs Airbus A320 et Boeing 737, a accumulé les retards et n’a été certifié par l’autorité chinoise qu’en 2022, pour une entrée en service en 2023, soit quinze ans après son lancement. À ce stade, seulement 18 C919 environ volent dans le ciel chinois, sur quelque 1 200 exemplaires commandés, ce qui traduit un décalage important entre les ambitions commerciales et la réalité industrielle. Les difficultés tiennent à la fois à la montée en cadence des chaînes d’assemblage, à la gestion d’une «supply chain » complexe et à la dépendance de Comac à des équipements et logiciels occidentaux soumis à autorisations d’exportation.
En 2025, la production du C919 reste entravée par les tensions internationales, en particulier entre la Chine et les États‑Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison blanche, qui compliquent l’accès à certaines technologies critiques. Moteurs, avionique et nombreuses pièces clés proviennent encore de sociétés occidentales, exposant la chaîne de production à tout durcissement de régime de licences ou de sanctions. Le contraste reste marqué entre les volumes actuels de Comac et ceux de ses rivaux occidentaux : Airbus a livré plus de 600 appareils de la famille A320, quand les livraisons de C919 se comptent encore en dizaines.
Sur le plan commercial, le C919 n’a pas encore obtenu les certifications d’exploitation des autorités occidentales, ce qui limite les perspectives de livraisons hors de Chine à seulement quelques clients proches, comme des compagnies aériennes au Cambodge ou au Laos. Cette situation réduit la diversification du carnet de commandes et laisse l’avionneur Comac très dépendant de la demande intérieure et des arbitrages politiques de Pékin.
Les difficultés de Comac n’effacent donc pas la position dominante Airbus‑Boeing, mais elles retardent l’érosion attendue de ce duopole sur le marché des monocouloirs. « Même si Comac monte progressivement en puissance, les transporteurs chinois devraient continuer à passer de grosses commandes en Europe et aux États‑Unis au cours des prochaines années », observe une source citée par Bloomberg.
Airbus et Boeing aussi sous pression
Les déboires de Comac s’inscrivent dans un contexte où Airbus et Boeing peinent eux aussi à tenir leurs engagements de production, sur fond de chaîne d’approvisionnement fragilisée et de contraintes de qualité. L’avionneur européen a revu à la baisse ses objectifs en 2025, prévoyant 790 livraisons d’avions contre 820 prévus initialement. Boeing, de son côté, maintient encore à la baisse ses cadences de 737 MAX après plusieurs incidents et un renforcement de la supervision réglementaire, ce qui complique la tenue de ses plans de livraisons annuels. Dans ce contexte, un industriel résume : « L’ensemble de la filière aéronautique mondiale est sous tension, et Comac n’échappe pas à ces contraintes systémiques ».
Ambitions maintenues, montée en cadence progressive
Malgré les retards actuels, Comac affiche toujours une trajectoire de montée en puissance très ambitieuse, avec un objectif de production de 100 C919 par an dès 2026, puis 150 en 2027 et 2028, et 200 appareils à l’horizon 2029. Les projections de cabinets indépendants restent toutefois plus prudentes, évoquant plutôt une vingtaine de livraisons en 2025, une trentaine en 2026 et une quarantaine d’appareils par an à partir de 2027. Pour Pékin, l’enjeu dépasse le simple calendrier industriel : le C919 doit symboliser l’émergence de la Chine comme puissance aéronautique civile capable de rivaliser avec les deux grands avionneurs occidentaux Airbus et Boeing. Reste à Comac de transformer cette ambition politique en production industrielle.

@Dubai Airshow
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