Le gouvernement britannique a donné son feu vert à la construction d’une troisième piste à l’aéroport de Londres-Heathrow, plutôt qu’à celle d’une seconde à Gatwick. Les travaux ne débuteront pas avant trois ou quatre ans, après entre autres le passage du projet estimé à 16,5 milliards de livres devant le Parlement. Un demi-siècle après le premier projet d’expansion de ce qui est devenu le premier aéroport européen, le gouvernement a choisi le 25 octobre 2016 la solution d’une troisième piste à Heathrow. Utilisé à 98% de sa capacité (75 millions de passagers en 2015), le principal aéroport de Londres pourra à terme – dans une dizaine d’années si tout va bien – accueillir 135 millions de passagers sur un total de 740.000 vols par an (260.000 de plus qu’aujourd’hui). Selon le ministère britannique des transports, les bénéfices attendus sont de l’ordre de 61 milliards de livres pour l’économie en général pendant les 14 prochaines années, avec 77.000 emplois locaux créés d’ici 2050. L’aéroport d’Heathrow affirme de son côté que cette expansion permettra d’ouvrir plus de routes directes à l’intérieur du Royaume Uni, et de lancer jusqu’à 40 nouvelles liaisons internationales vers des villes comme Wuhan en Chine, Osaka au Japon ou Quito en Equateur. La plateforme accueille déjà 70% du trafic long-courrier du pays – et bien sûr tous les membres de Oneworld, SkyTeam et Star Alliance pour qui les correspondances sont essentielles. Une consultation publique va désormais être organisée, le gouvernement devant ensuite prendre une décision finale qui sera présentée au Parlement, probablement pendant l’hiver 2017-2018 ; selon la Commission des Aéroports, les travaux devraient débuter en 2020 ou 2021, et être terminés en 2025 au plus tôt – en fonction du nombre de recours déposés en justice. Harmondsworth, village au nord des installations actuelles, doit être à moitié rasé, et celui de Longford disparaitra complètement ; au total, 750 propriétés seront détruites après avoir été rachetées 25% au-dessus de leur valeur sur le marché. air-journal_londres_heathrow_projet-3eme-pisteCôté supporters, le Premier ministre Theresa May a expliqué lancer avec cette décision un « message clair » : la Grande Bretagne reste ouverte aux affaires malgré le vote en faveur de la sortir de l’Union Européenne (le Brexit) et l’incertitude qu’il a engendré. Les syndicats et les organisations patronales sont généralement favorables au projet, tout comme la Commission des Aéroports qui avait recommandé cette solution l’année dernière. Willie Walsh, CEO du groupe IAG dont la filiale British Airways est concernée au premier chef par l’expansion de Heathrow, a accueilli avec satisfaction la décision du gouvernement qui vient de geler la taxe passager, tout en ajoutant sur la BBC : l’aéroport « est déjà le hub le plus cher au monde, il est donc impératif que la nouvelle capacité soit abordable ». Chez Virgin Atlantic, le CEO Craig Kreeger parle « d’opportunité excitante qui va transformer radicalement la concurrence dans le principal aéroport britannique », tout en assurant que la compagnie essaiera de « ne pas passer aux passagers les coûts d’une piste et de nouvelles installations qui ne seront pas ouvertes avant le milieu de la prochaine décennie ». La low cost easyJet parle d’une également d’une « ouverture bienvenue de la concurrence », espérant s’y installer un jour – si les installations sont adoptées à son modèle. Le premier déçu est évidemment l’aéroport de Londres-Gatwick, qui avait proposé de construire une seconde piste « plus vite et pour moins cher ». Les opposants à la troisième piste à Heathrow se trouvent tout d’abord à l’intérieur même du gouvernement, par exemple avec l’ancien maire de Londres et ministre des Affaires étrangères Boris Johnson ou la secrétaire à l’Education Justine Geening (élue à côté de l’aéroport). L’actuel maire de la capitale, Sadiq Kahn, affirme de son côté que la pollution autour de Heathrow affecte déjà « plus de gens qu’autour des aéroports de Paris, Francfort, Amsterdam, Munich et Madrid combinés » - et souligne que la ville devra probablement investir 15 milliards de livres rien que pour aménager les accès vers Heathrow. On pouvait compter sur Ryanair pour avoir une position différente : avant la décision qu’elle a critiquée, elle appelait hier le gouvernement à être plus ambitieux et « approuver une nouvelle piste dans trois aéroports, Heathrow, Gatwick et Stansted, à construire quand et comment ils le voudront » de façon à encourager la concurrence – au bénéfice des passagers britanniques et des visiteurs. La low cost affirme qu’à l’ouverture de la troisième piste vers 2025, l’aéroport sera déjà saturé en période de pointe « et devra donc envisager une voire deux pistes supplémentaires dans le sud-est de Londres ». En juillet dernier, l’aéroport de Londres-Heathrow avait mis en ligne cette vidéo présentant les avantages de sa proposition : [embed]https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=w-AxTCAsyKM[/embed]