Le directeur général du groupe IAG pense que le meilleur PDG pour Air France-KLM serait Pieter Elbers, déjà à la tête de la compagnie aérienne néerlandaise. L’ex-futur dirigeant Philippe Capron met son évincement sur le compte du potentiel futur actionnaire AccorHotels.

De passage le 2 juillet 2018 à l’aéroport de Paris-Orly pour l’inauguration des vols low cost transatlantiques de Level, filiale d’International Airlines Group aux côtés de British Airways, Iberia, Aer Lingus et Vueling, Willie Walsh a affiché son support au PDG de KLM : « Je suis surpris que Pieter Elbers ne soit pas nommé CEO d’Air France-KLM. Il est excellent. Il a fait un travail fantastique chez KLM. C’est probablement l’un des meilleurs CEO du secteur. Il est très respecté dans l’industrie du transport aérien », a-t-il déclaré selon La Tribune. L’impact des déclarations du patron d’un des principaux rivaux du groupe franco-néerlandais sur le Conseil de nomination n’est pas mesurable ; mais il intervient alors que la recherche du futur PDG a recommencé, après le tollé soulevé par la possibilité que Philippe Capron, sans aucune expérience du secteur, puisse prendre la tête d’Air France-KLM. Pieter Elbers pose cependant un problème en interne : KLM veut conserver son dirigeant, et a souvent reproché à Air France de cumuler les postes de PDG de la compagnie française et PDG du groupe. Difficile donc de demander au Néerlandais de faire ce qu’il reproche aux Français, ces derniers sachant d’autre part qu’il a la réputation de privilégier volontiers sa compagnie. KLM serait de fait en faveur du maintien de l’organisation actuelle, mais avec une présence de Pieter Elbers dans la conduite du groupe.

Le séminaire du groupe de l’alliance SkyTeam la semaine dernière s’était terminé sans solution, si ce n’est éliminer la candidature de Philippe Capron – et acter le nécessaire assentiment des nouveaux actionnaires, Delta Air Lines et China Eastern Airlines, dans le processus de nomination du remplaçant de Jean-Marc Janaillac. La décision de choisir deux nouveaux PDG, un pour le groupe et un pour Air France, n’a toujours pas été confirmée. Elle aurait cependant le soutien de Delta mais aussi d’AccorHotels, qui d’après le Financial Times cherche des partenaires européens pour éventuellement racheter les parts de l’Etat français (14,3% du capital, 23% des voix) dans Air France-KLM.

Le potentiel futur actionnaire d’Air France-KLM est par ailleurs accusé par Philippe Capron (qui ne nomme pas AccorHotels) d’être responsable de son éviction ; dans un courrier publié la semaine dernière, il explique avoir « « surtout eu l’impression que mon arrivée dérangeait ceux qui voulaient faire main basse à bon compte sur Air France-KLM et l’affaiblir ». « J’ai eu l’occasion de lutter contre des offres hostiles ou des prises de contrôle rampant » durant ses trente ans de carrière dans le vrai, rappelle-t-il, et si « chacun s’accorde à voir dans la sortie de l’Etat du capital une des conditions du redressement du Groupe », cette sortie ne doit selon lui pas se faire « au profit d’intérêts privés, déterminés à prendre le contrôle rampant de l’entreprise, surtout au travers d’un montage qui mobiliserait des capitaux communautaires dans le simple but de contourner la loi ». Et d’analyser : « on peut sérieusement se demander si l’acheteur évoqué par la presse ne vise pas surtout à piller les données commerciales d’Air France-KLM ou à utiliser votre Groupe comme une “poison pill” pour se mettre lui-même à l’abri d’une prise de contrôle -déjà bien engagée -par des intérêts extra-communautaires. Un tel mouvement serait d’autant plus scandaleux que le cours actuel est loin de refléter la valeur réelle de la société ». Rappelons que plus d’un quart du capital d’AccorHotels est détenu par des investisseurs hors-EU (Jinjiang International Company, Qatar Investment Authority et Kingdom Company of Saudi Arabia). Avoir accès en particulier aux données du programme de fidélité Flying Blue lui permettrait de mieux lutter contres les sites indépendants de voyages tels qu’Expédia ou Bookings. L’Etat français a repoussé à après la nomination du nouveau PDG une éventuelle vente de ses parts.

Sur son manque d’expérience dans le secteur aérien, Philippe Capron rappelle que c’était aussi le cas de Christian Blanc – et surtout que les membres du Comex actuel du groupe « cumulent plus de 250 années d’expérience dans le domaine. Peut-on dire que ces compétences manquent chez Air France-KLM ? Ou qu’elles soient gages de succès ? ». Un nouveau venu, « apportant un regard neuf et l’expérience d’autres industries, pourrait s’appuyer sur des compétences internes considérables », souligne-t-il. Avant de dénoncer une « intervention extérieure » qui a déraillé une nomination gagnée « à la loyale », marquant selon lui « un curieux dévoiement de la gouvernance de cette entreprise privée dont l’Etat ne détient que 14% » et donnant « l’occasion à tous ceux qui estiment avoir le droit de cogérer l’entreprise d’avancer leurs agendas particuliers et de s’immiscer dans le processus, dans une coalition d’intérêts hétéroclites ».

Air France-KLM : IAG vote pour Elbers, Capron dénonce 1 Air Journal