Trois syndicats représentant les hôtesses de l’air et stewards de la compagnie aérienne Joon se plaignent des conditions de travail et des salaires, tandis que chez la maison-mère Air France la CGT et l’UNSA-PNC s’en prennent à leur tour à Benjamin Smith, nouveau CEO du groupe Air France-KLM.

Dans un courrier envoyé le 18 aout 2018 à la direction de Joon que s’est procuré La Tribune, les syndicats SNPNC, UNAC et UNSA font état d’un « fort mécontentement » chez les PNC de la filiale à coûts réduits d’Air France. Ils se plaignent de plannings surchargés ouvrant « la possibilité d’engager des PNC 11 jours d’affilée, avec la possibilité d’enchaîner une journée de vols moyen-courrier après une rotation long-courrier », ainsi que de conditions d’hébergement « dégradées, inférieures à celles des pilotes », et bien sûr des salaires tournant autour de 1500 euros nets. « Les arrêts maladie et le refus de voler pour des raisons de fatigue deviennent monnaie courante (…). Beaucoup de collègues pensent à quitter la compagnie face à toutes ces problématiques rencontrées », écrivent les syndicats, un membre allant jusqu’à évoquer la possibilité de grèves « d’ici à la fin de l’année », une fois passées les élections professionnelles en octobre. Joon, dont le premier vol remonte au 1er décembre 2017, avait été lancée quatre mois plus tôt comme « la petite sœur d’Air France » dans le cadre du plan Trust Together, son caractère hybride reposant sur le principe de pilotes volant sous contrat de la maison-mère et de PNC payés 40% moins cher – afin d’atteindre des coûts opérationnels inférieurs de 15% à 18% à ceux d’Air France. 

Interrogée par La Tribune, la directrice des opérations de Joon Sophie Bordmann a reconnu des difficultés de jeunesse,  la compagnie aérienne a vécu « une croissance très forte puisque nous sommes passés de 6 à 15 avions en six mois, et effectivement nous ne sommes pas parfaits ». Elle préfère parler de dysfonctionnement plutôt que de malaise chez les PNC, et souligne que des points ont été améliorés depuis les premiers « retours fatigue ». Le planning sera amélioré avec l’aide d’un cabinet extérieur, ajoute la dirigeante, et Joon tient désormais compte « des desiderata de chaque salarié en termes de destination préférée ou de dates de leur période de repos ». Selon Sophie Bordmann, le taux de démission est inférieur à 2% et concerne principalement des débutants dans le métier de PNC – même si elle reconnait que le lancement des vols long-courriers en mars (vers Le Caire, puis en mai vers Fortaleza et Mahé) a été marqué par un « pic d’arrêts de travail ». 

Quelque 460 PNC ont été embauchés par Joon en dix mois, sur les 1000 prévus d’ici 2020 ; leurs salaires sont « conformes » au contrat proposé, rappelle la directrice des opérations sans plus de précision, mais les revenus ont bien été inférieurs à ceux espérés en raison une fois de plus du lancement récent des opérations. Le sureffectif initial nécessaire pour la formation des PNC a de fait diminué le nombre individuel d’heures de vol, et donc la part variable de la rémunération. Sophie Bordmann assure que cela s’est résorbé depuis juin, avec un revenu rehaussé « de 50% » puisque le nombre de PNC correspond désormais à la taille de la flotte. La direction de Joon a en outre « accordé une prime exceptionnelle liée au lancement de la compagnie de 500 euros à 600 euros selon la fonction » ; insuffisant pour les syndicats, qui demandent que les salariés de Joon perçoivent également l’intéressement versé au personnel d’Air France.

Air France : ça grince aussi chez les PNC de Joon 1 Air JournalLe nouveau directeur du groupe de l’alliance SkyTeam, Benjamin Smith, continue d’être critiqué par les syndicats français. A l’approche de la rentrée, la CGT représentant le personnel au sol rappelle dans un tract que « la colère des salariés n’est pas un vain mot ». La nomination « de ce Monsieur n’a qu’un but, celui de poursuivre et d’accélérer la stratégie et la politique engagées depuis des années : casse des acquis sociaux et des syndicats, croissance des low-cost du groupe Air France (Transavia et Joon), mise en place du modèle low cost au détriment de la maison mère ». Cette nomination est pour le syndicat « une façon de nous faire payer la défiance exprimée à travers le vote NON. Comme le gouvernement de l’époque avait contourné le vote NON à l’Europe en 2005 ». La CGT demande avant tout de revoir à la baisse le salaire du nouveau CEO du groupe, un « chiffon rouge » agité devant les salariés qui représente « 233 années de SMIC en brut », et de remonter celui des employés « à 8% en raison des annonces de l’INSEE » sur l’inflation prévue de 1,7% cette année. Des salaires gelés depuis 2011, rappelle le syndicat qui demande aussi le départ de la présidente par intérim Anne-Marie Couderc – et la nationalisation d’Air France pour « s’aligner sur les modèles alentours économique » et en finir avec « les distorsions de concurrence » face aux concurrentes recevant des aides d’Etat « aux Etats-Unis, dans le Golfe et même en Europe » où le modèle de Ryanair serait « déficitaire sans les subventions européennes ». 

Côté PNC, le communiqué de l’UNSA n’est guère plus tendre avec le nouveau dirigeant du groupe franco-néerlandais : la réponse du Conseil d’administration et du gouvernement au conflit salarial « est sans surprise : du fric pour Ben et ses acolytes et des cacahuètes pour les salariés… ». Alors que les salariés d’Air France « ont mené la fronde pour réclamer leur dû, soit  le rattrapage de l’inflation », la réponse du Gouvernement et des dirigeants de la holding « est claire : Oui il y aura augmentation : ce sera 4 millions d’euros … pour les 2 nouvelles têtes du groupe Air France. 3.3millions d’euros pour Ben et 1.2 millions pour Anne –Marie ! Soit quasiment   4 fois plus que ce que touchait Jean-Marc Janaillac, qui occupait à lui seul ces 2 postes… Si vous étiez inquiets de l’état financier de notre compagnie, rassurez-vous il y a encore du blé pour certains ». L’UNSA revient aussi sur « les talents de cet homme providentiel », en particulier dans la négociation : « en 2015, 2016, il a participé à la signature d’accords avec les navigants d’Air Canada et Air Canada Rouge qui entérinait des augmentations salariales, si et seulement si les résultats étaient au rendez-vous, et en échange d’efforts de productivité… Accords obtenus après être passé par la menace d’un « lock out » ( si vous êtes pas assez gentils on ferme et vous serez tous à la porte) et l’appui du gouvernement canadien qui a interdit tout droit de grève au sein de la compagnie nationale au nom du caractère essentiel de cette activité ». Le syndicat ironise enfin sur les rumeurs faisant de Ben Smith un pion de l’actionnaire Delta Air Lines, « qui aurait plus d’affinités et d’intérêts à délocaliser l’activité du côté de la Hollande » : « Ce n’est pas comme si notre Gouvernement maintenait les taxes qui plombent Air France pour mieux enrichir  la dote  d’Aéroport de Paris qui va bientôt être cédé. Et ce n’est pas comme si notre Gouvernement venait de céder encore des droits de trafic à Emirates, compagnie très fairplay en matière de concurrence. Bref, dormons tranquilles salariés d’Air France, on ne nous veut que du bien… »

Rappelons que l’intersyndicale d’Air France se réunira lundi 27 août pour décider de la poursuite du conflit, déjà marqué par 15 jours de grève depuis février.

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