L’avionneur canadien Bombardier a engagé des poursuites aux Etats-Unis contre Mitsubishi Aircraft, accusant des anciens employés d’avoir fourni à son concurrent japonais des secrets commerciaux pour aider au développement du biréacteur régional MRJ.

Engagées le 19 octobre 2018 devant un tribunal fédéral de Seattle, les poursuites visent également AeroTEC (Aerospace Testing Engineering & Certification), aux côtés de qui Mitsubishi Aircraft aurait recruté « pas moins de 92 de ses anciens employés au Québec ainsi qu’aux Etats-Unis », y compris deux dirigeants du programme d’essais en vol du CSeries. Ces derniers auraient avant de quitter la société québécoise divulgué notamment par email des documents considérés comme des secrets commerciaux par Bombardier, concernant en particulier le processus de certification au Canada (par Transport Canada) comme aux Etats-Unis (par la FAA) : « ce processus est incroyablement coûteux, demande beaucoup de temps et est complexe, même pour les avionneurs les plus expérimentés ayant développé des secrets commerciaux afin d’y arriver plus efficacement », souligne Bombardier dans la plainte consultée par Radio Canada. Et de rappeler que « depuis l’an 2000 seulement quatre constructeurs ont été capables de développer un avion à partir d’une page blanche qui soit conforme aux exigences des régulateurs » nord-américains et européens.

Mitsubishi n’en fait bien sûr pas partie, le développement de son MRJ ayant connu plusieurs années de retard avant que ne soit décidé un « déménagement » aux Etats-Unis, à Moses Lake dans l’Etat de Washington, pour y mener les vols de certification. Quelque 600 employés sont désormais basés dans l’Etat (qui abrite aussi le siège de Boeing), avec une entrée en service du MRJ90 (81 à 92 sièges) désormais prévue en 2020, soit sept ans plus tard qu’initialement espéré – avant celle du MRJ70 (69 à 81 sièges). Le plus gros modèle a accumulé à ce jour 223 commandes fermes et le plus petit 65, les meilleurs clients du programme étant SkyWest (107) et Trans States Holdings (55) aux USA ainsi que la compagnie de lancement ANA (All Nippon Airways) au Japon (22).

« Nous ne prenons pas cette question à la légère », a indiqué par courriel un porte-parole de Bombardier, Simon Letendre. Un porte-parole de Mitsubishi, Jeff Dronen, a déclaré au Seattle Times que le constructeur « n’avait rien fait de mal et se défendra devant la cour », ajoutant avoir eu des contacts avec Bombardier à ce sujet « depuis un certain temps ». L’avionneur canadien ne précise pas le montant des dommages et intérêts demandés, mais réclame une injonction interdisant à Mitsubishi et AeroTEC « d’utiliser des informations propriétaires obtenues frauduleusement via ses anciens employés ».

Espionnage industriel : Bombardier poursuit Mitsubishi 2 Air Journal