Un professeur de droit américain poursuit Boeing en justice, affirmant avoir subi de graves séquelles neurologiques et respiratoires après avoir inhalé des fumées toxiques à bord d’un Boeing 737 exploité par Delta Air Lines.

Jonathan Harris, professeur de droit à l’université Temple de Philadelphie et alors enseignant invité à la Loyola Law School de Los Angeles, a déposé une plainte contre Boeing, réclamant 40 millions de dollars de dommages et intérêts. L’affaire relance le débat sur la qualité de l’air en cabine et les responsabilités des constructeurs aéronautiques.

Selon la plainte consultée par CBS News, l’incident s’est produit en août 2024 à bord d’un Boeing 737 de Delta Air Lines, reliant Atlanta à Los Angeles. Après l’atterrissage, l’appareil serait resté environ 45 minutes sur le tarmac, le temps d’obtenir une porte de débarquement. Durant cette attente, la cabine aurait été envahie par une odeur décrite comme celle de « chiffons sales » — un terme souvent employé pour désigner des effluves d’huile moteur chauffée provenant du système d’air conditionné.

Des symptômes violents rapportés par le passager

Le plaignant affirme avoir rapidement ressenti des nausées, des difficultés respiratoires puis avoir vomi à bord. D’autres passagers se seraient également plaints des émanations, tandis que le commandant de bord aurait présenté ses excuses via l’interphone. Malgré les protestations, l’équipage n’aurait pas autorisé les passagers à quitter l’appareil tant que l’avion n’avait pas reçu d’autorisation de stationnement.

Harris raconte avoir quitté l’avion avec une violente migraine et une désorientation inquiétante. Dès le lendemain, il a consulté un médecin : les analyses sanguines auraient révélé une hypoxémie (taux d’oxygène bas), un taux de bicarbonates élevé et la présence de monoxyde de carbone.

D’après la plainte déposée en Californie, les troubles se seraient aggravés au fil des mois : vertigesperte de mémoiredouleurs musculaires et troubles de l’équilibre. Harris affirme souffrir encore, plus d’un an après, de migraines sévères, de dépression et d’anxiété qui limiteraient sa capacité à travailler. Il réclame à Boeing une compensation pour perte de revenus et préjudice moral. Le constructeur n’a pas encore commenté publiquement l’affaire. Delta Air Lines a pour sa part déclaré qu’elle ne commentait pas les litiges en cours mais « coopère pleinement avec les autorités compétentes ».

En septembre dernier, Delta Air Lines confirmait avoir entrepris un vaste remplacement de pièces moteurs affectant plus de 300 Airbus A320, après une série d’incidents où des fumées toxiques se sont infiltrées dans les cabines et cockpits.

Fumées toxiques et vérités scientifiques

Ce type d’incident, qualifié de « fume event » (épisode de fumées en cabine), n’est pas nouveau. Selon des données de la Federal Aviation Administration (FAA)plusieurs incidents de ce type sont signalés chaque jour aux États-Unis. Le problème provient du système dit de « bleed air », qui recycle l’air prélevé des compresseurs moteurs pour ventiler la cabine. En cas de fuite d’huile ou de fluide hydraulique, ces substances peuvent être vaporisées par la chaleur et se retrouver dans le circuit d’air.  Seul le Boeing 787 Dreamliner utilise un système indépendant, sans prélèvement d’air moteur, pour pressuriser la cabine.

En mai dernier, Air Journal relatait qu’un steward avait porté plainte contre la compagnie aérienne Air France pour des blessures involontaires qui résulteraient du « syndrome aérotoxique », résultant de l’air respiré dans la cabine de l’avion en vol.

La véracité scientifique du syndrome aérotoxique fait cependant débat. L’Association du transport aérien international (IATA) a relaté en 2018, -il est vrai il y a 7 ans –  que « la recherche à ce jour n’a établi aucun lien de causalité » avec les « symptômes » ressentis par des équipages. Le sujet n’est pas nouveau : depuis plus d’une décennie, des chercheurs et anciens pilotes alertent sur les dangers potentiels de ces contaminations, notamment sur le rôle du tricrésyl phosphate, substance neurotoxique présente dans certaines huiles de moteur. Plusieurs organismes, dont l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA), poursuivent aujourd’hui des études pour mieux évaluer la nocivité spécifique des expositions lors d’incidents déclarés, alors que le phénomène reste difficile à quantifier précisément faute de mesures systématiques en situation réelle.

Accusations de « fumées toxiques » : Boeing visé par une plainte d’un passager américain 1 Air Journal

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