Déjà reportée à l’automne prochain, la décision sur la privatisation de la compagnie aérienne Alitalia pourrait ne plus être nécessaire, les deux partis populistes italiens en train de négocier le futur gouvernement estimant qu’elle devrait être relancée dans le cadre d’un plan stratégique nationale pour les transports.

La presse italienne a publié le 16 mai 2018 une ébauche de « contrat de gouvernement » entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue, qui envisagent de « reconsidérer » la vente de la compagnie nationale italienne, dont la décision sur le nom du repreneur avait été reportée le mois dernier à la fin octobre. Les deux partis, antisystème et d’extrême droite, évoquaient le mois dernier leur souhait de conserver « l’italianité d’Alitalia » quelque soit le repreneur choisi. Ils se déclarent désormais « convaincus » qu’Alitalia ne doit pas seulement être sauvée, mais aussi relancée dans le cadre d’un « plan national stratégique » dans les transports qui « ne peut pas faire abstraction » d’un transporteur national « compétitif ». Selon Claudi Borghi de La Ligue, la vente d’Alitalia lancée il y a un an doit bien être stoppée ; mais il ne précise pas si l’Etat doit de nouveau investir, alors même que la Commission européenne a lancé une enquête approfondie sur le prêt relais de 900 millions d’euros accordé par l’Italie à sa compagnie nationale, afin de déterminer s’il s’agit d’une aide d’état incompatible avec les règles de la concurrence. Le prêt a en effet dépassé la durée maximale de six mois autorisée par les lignes directrices pour les « prêts de sauvetage », son remboursement ayant été reporté au 15 décembre prochain ; si l’Italie est jugée non conforme, elle devra récupérer l’intégralité du prêt.

L’un des commissaires gérant la compagnie de l’alliance SkyTeam depuis sa mise sous « administration extraordinaire » début mai 2017, Luigi Gubitosi, a rappelé hier qu’il appartient au futur gouvernement de décider de l’avenir d’Alitalia, tout en rappelant que quelque soit la décision prise, elle doit être « rapide, avant que le carburant soit épuisé ». Au premier trimestre, elle a affiché selon l’agence ANSA une perte de 117 millions d’euros, contre -228 millions à la même période en 2017.

Trois offres ont été déposées à ce jour pour la reprise d’Alitalia, dont deux officiellement confirmées : Lufthansa a soumis un document décrivant ses idées pour une « nouvelle Alitalia restructurée », le président du directoire Carsten Spohr ayant expliqué depuis janvier que la compagnie italienne avait besoin de subir une « restructuration importante » avant d’être rachetée. Cette proposition était d’ailleurs jugée la plus prometteuse par le ministre du développement économique Carlo Calenda. La low cost easyJet a de son côté déposé une « manifestation d’intérêt revue pour une Alitalia restructurée, dans le cadre d’une alliance ». Le fonds américain Cerberus et la compagnie aérienne Delta Air Lines seraient ses partenaires, comme pressenti depuis le début de l’année quand le groupe Air France-KLM (partenaire de coentreprise et d’alliance de la compagnie américaine) faisait l’objet de plusieurs informations sur des consultations – et les démentait. Le PDG du groupe franco-néerlandais expliquait toutefois en février qu’il étudiait avec Delta « différentes possibilités pour qu’Alitalia reste dans la famille SkyTeam sans qu’Air France-KLM ne soit l’acquéreur d’Alitalia », ajoutant qu’ils regardent « toutes les solutions ». La présence de Delta dans ces discussions était alors justifiée par l’appartenance d’Alitalia à leur coentreprise transatlantique. Enfin la low cost hongroise Wizz Air disait en début d’année s’intéresser à l’activité court-courrier d’Alitalia, mais a refusé depuis de confirmer les rumeurs la nommant comme troisième candidate.

Rappelons que la mise sous tutelle d’Alitalia avait été décidée par le gouvernement en raison de sa situation financière, les actionnaires dont Etihad Airways ayant refusé de remettre la main à la poche pour la refinancer après le refus des salariés d’accepter un nouveau plan d’austérité. En juillet 2017, Air France-KLM avait  annoncé la création d’une coentreprise globale avec Delta Air Lines et Virgin Atlantic, promettant un siège d’associé à Alitalia si elle survit – hors de Lufthansa bien sûr.

Pas de privatisation pour Alitalia ? 1 Air Journal