Le syndicat de pilotes SNPL France ALPA a exprimé son indignation après le réquisitoire du parquet de Paris, dans l’enquête sur le crash en 2009 du vol AF447 d’Air France entre Rio de Janeiro et Paris qui avait fait 228 morts. La demande de renvoi en correctionnelle de la compagnie aérienne et le non-lieu requis pour Airbus est selon lui « surprenant au regard des charges mises en évidence tout au long de l’instruction » à l’encontre de l’avionneur.

Dans son réquisitoire daté du 12 juillet 2019, le parquet de Paris a demandé le renvoi en correctionnelle de la compagnie aérienne, considérant qu’elle a « commis une négligence et une imprudence » dans la formation des pilotes, et a requis un non-lieu pour Airbus, estimant qu’il n’existe « pas de charges suffisantes » pour un renvoi en correctionnelle. « Incompréhensible » selon le syndicat majoritaire de pilotes, pour qui le reproche fait à Air France (« information insuffisante à ses équipages sur les incidents (de sondes Pitot) survenus au cours des mois précédents, leurs conséquences et la procédure à appliquer, dans un contexte d’entraînement insuffisant des pilotes en haute altitude, d’une absence d’adaptation de leur formation et d’un traitement opérationnel défaillant ») aurait dû entrainer la même suite judiciaire pour l’avionneur : le rapport final du BEA ayant jugé que le givrage en vol de sondes Pitot avait entrainé un dérèglement des mesures de vitesse de l’Airbus A330-200, et désorienté les pilotes jusqu’au décrochage de l’appareil.

Le SNPL explique dans son communiqué que c’est en effet le manuel de formation des équipages d’Airbus qui mentionnait « l’efficacité de l’architecture des commandes de vol électriques et l’existence des lois de pilotage éliminent le besoin d’être entraîné aux manœuvres de récupération d’une perte de contrôle de l’aéronef sur les avions Airbus protégés » – mais en omettant un fait majeur : après la coupure du pilote automatique due au givrage des sondes Pitot, l’avion n’est plus protégé. Cette affirmation du constructeur est « pourtant en totale contradiction avec l’élément décisif avancé par Airbus auprès des autorités de certification pour justifier du classement du risque résultant de la perte d’indication totale de vitesse en simple risque majeur et non dangereux, à savoir un «  entraînement adéquat des équipages ».

Le BEA avait déjà souligné dans son rapport la nécessité d’un entraînement au pilotage manuel à l’approche et à la récupération du décrochage en haute altitude, et cette anomalie du manuel d’Airbus, rappelle le syndicat. Le Procureur « a bien relevé des manquements de l’avionneur à cet égard mais a considéré que la documentation d’Airbus avait été validée par les autorités de tutelle ». Pour bien comprendre ce dont il s’agit, soutient le SNPL, c’est comme si Boeing « se voyait dédouanée de toute responsabilité dans les accidents du 737 MAX au motif que la FAA avait certifié l’avion ». Or faute de compétences égales à celles du constructeur et de moyens, l’autorité de tutelle délègue dans le cadre des conditions spéciales et des dispositions particulières une partie de la certification au constructeur. Les négligences commises par l’autorité de tutelle « et dénoncées tout au long de cette instruction par le SNPL » ne peuvent en aucune façon être une cause d’exonération de ses responsabilités pour Airbus.  Le syndicat considère également que l’absence totale de mise en cause des autorités de régulation dans cette procédure d’instruction, autorités « qui ont manifestement failli dans leur devoir de contrôle », est tout aussi inacceptable.

Vincent Gilles, Vice-Président du SNPL, conclut : « Nos pensées vont tout d’abord aux familles des victimes. Ce non-lieu requis pour Airbus est incompréhensible au vu de la connaissance que nous avons du dossier. Ce procès doit notamment permettre de comprendre l’ensemble des causes de ce tragique accident. L’absence d’un des principaux protagonistes ne laissera que des questions sans réponse et cela est insupportable. Si cette position était suivie par le Juge d’Instruction elle constituerait un véritable recul pour la sécurité de notre industrie. Les charges pesant contre Airbus sont amplement suffisantes pour que ce protagoniste majeur du dossier soit renvoyé devant le Tribunal Correctionnel auquel il appartiendra de juger de toutes les responsabilités ».

Rappelons qu’en juillet 2012, le rapport final du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) sur le crash du vol AF447 avait décrit un enchainement de facteurs techniques et humains. L’enquête technique (suivie par une bataille d’experts) avait mis en cause le givrage en vol de sondes Pitot, qui avait conduit à un dérèglement des mesures de vitesse de l’Airbus A330 et désorienté les pilotes jusqu’au décrochage de l’appareil. Il appartient aux juges d’instruction du pôle accidents collectifs du tribunal de Paris de suivre ou non les réquisitions du Parquet.

Crash du Rio-Paris : le SNPL ne comprend pas le Parquet 1 Air Journal

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