Qu’est devenu ce passager camerounais refoulé fin janvier à l’aéroport d’Istanbul par l’immigration turque au motif de « visa/permis de transit contrefait» et emballé dans du film plastique lors de son expulsion à bord d’un vol de Turkish Airlines ?

Le journal Libération a retrouvé sa trace à Douala, la capitale économique du Cameroun. Il s’appelle Emmanuel Chedjou, la quarantaine, père de six enfants et négociant en chaussures de son état. «Depuis mon retour, je suis devenu la risée de tous mes voisins. Je ne peux plus travailler au marché ou même faire mes courses sans qu’on me prenne en photo, qu’on me lance des “Turkish Airlines !” hilares. Alors, comme je suis ruiné, j’ai confié mes enfants à leur mère, renvoyé ma femme chez ses parents et je suis venu me cacher chez ma belle-sœur», raconte-il à Libération.

Emmanuel Chedjou détaille son calvaire à l’aéroport d’Istanbul : «Ils m’ont emballé dans du film plastique, comme une valise.» Encadré par trois agents de sûreté en civil de Turkish Airlines qui s’assurent de sa coopération en le menaçant de lui « boucher le nez », il est placé à l’arrière de l’avion. «J’avais horriblement chaud et je respirais de plus en plus difficilement. J’ai fini par réussir à libérer ma bouche et à crier de toutes mes forces.» Les agents de sûreté le libèrent du film plastique, mais le laissent presque nu au milieu du couloir. Il proteste tellement que les autres passagers prennent son partie. La situation devenant intenable, les agents de sûreté le font descendre de l’avion…

Après une semaine bloqué dans la zone de transit de l’aéroport d’Istanbul, le malheureux passager accepte à contrecœur d’embarquer sur un vol de Turkish Airlines… pour Abuja, au Nigeria ! «C’était ça où retour à la case plastique ! Dans l’avion, j’ai raconté mon histoire à ma voisine, qui a payé mon bus jusqu’à la frontière du Cameroun. Il m’a fallu quatre jours de plus pour rentrer. Lorsque je suis arrivé chez moi, tout le monde me croyait mort

Depuis son retour à Douala, il n’a pas assez de mot assez dur pour la Turquie. «J’ai porté plainte à l’ambassade turque mais même si je gagne, entre-temps ma vie est en miettes, se désole Emmanuel Chedjou, la Turquie ne peut pas nous traiter comme ça en silence. Grâce à mon acharnement, le monde est obligé de voir que la traite négrière est toujours une réalité.» 

https://twitter.com/abelamundala/status/1229288299216461824