Airbus et les compagnies aériennes Air Canada, Air France-KLM, easyJet, IAG, LATAM Airlines Group, Lufthansa Group et Virgin Atlantic ont signé des lettres d’intention afin d’étudier des solutions d’élimination du carbone dans l’aviation. Boeing, qui vient de dévoiler un ecoDemonstrator supplémentaire, présente de son côté Cascade, un nouvel outil pour évaluer l’impact réel de ces efforts de décarbonation.

Airbus et plusieurs grandes compagnies aériennes ont signé le 18 juillet 2022 en marge du Farborough Airshow des lettres d’intention (LoI) « afin d’étudier les possibilités d’un approvisionnement en crédits d’élimination du carbone issus de la technologie de capture directe de ce même carbone dans l’air ». Le captage et le stockage directs du carbone dans l’air (DACCS) est une technologie « à fort potentiel » qui consiste à filtrer et à éliminer les émissions de CO2 directement dans l’air, à l’aide de ventilateurs à haute puissance. Une fois retiré de l’air, le CO2 est stocké « de manière sûre et permanente » dans des réservoirs géologiques. Airbus souligne dans son communiqué que l’industrie aéronautique ne peut pas absorber à la source ses émissions de CO2 libérées dans l’atmosphère ; une solution de captage et de stockage direct du carbone dans l’air « permettrait au secteur d’extraire directement de l’air atmosphérique la quantité équivalente d’émissions provenant de ses activités ». L’élimination du carbone par la technologie de captage direct dans l’air « complète d’autres Solutions » qui permettent de réduire les émissions de CO2, comme le carburant aviation durable (SAF), en s’attaquant aux émissions restantes qui ne peuvent être éliminées directement.

Dans le cadre de ces accords, les compagnies aériennes se sont engagées à entamer des négociations sur l’éventuel préachat de crédits d’élimination du carbone « vérifiés et durables » à partir de 2025 et jusqu’en 2028. Les crédits d’élimination du carbone seront émis par le partenaire d’Airbus, 1PointFive, « une filiale de l’entreprise Low Carbon Ventures d’Occidental et le partenaire de déploiement mondial de la société de capture directe de l’air Carbon Engineering ». Le partenariat d’Airbus avec 1PointFive comprend le préachat de 400.000 tonnes de crédits d’élimination du carbone qui seront livrés sur quatre ans.

« Nous constatons déjà un vif intérêt de la part des compagnies aériennes pour explorer des méthodes d’élimination du carbone de façon abordable et évolutive », a déclaré Julie Kitcher, Executive Vice President Communications and Corporate Affairs, Airbus. Ces premières lettres d’intention « marquent une étape concrète vers l’utilisation de cette technologie à la fois pour notre propre plan de décarbonation mais aussi pour le secteur en général afin d’atteindre des émissions de carbone nulles d’ici 2050 ».

Fatima da Gloria de Sousa, Directrice du développement durable d’Air France-KLM, souligne de son côté : « Alors que nous activons tous les leviers déjà à notre disposition pour réduire notre empreinte carbone – le renouvellement de la flotte, l’incorporation de carburant d’aviation durable et l’éco-pilotage – nous sommes également des partenaires actifs dans la recherche et l’innovation, faisant progresser les connaissances sur les technologies émergentes afin d’améliorer leur prix et leur efficacité. Au-delà de la capture et du stockage de CO2, la technologie ouvre de très intéressantes perspectives concernant la production de carburants d’aviation durables de synthèse. La lettre d’intention que nous signons aujourd’hui avec Airbus incarne l’approche collaborative initiée par l’industrie aéronautique pour trouver des solutions efficaces répondant au défi de notre transition environnementale. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons faire face à l’urgence climatique », a-t-elle expliqué.

Chez la low cost easyJet, la directrice du développement durable Jane Ashton parle de la capture directe de l’air comme « une technologie naissante au potentiel énorme, nous sommes donc très heureux de participer à cette importante initiative. Nous pensons que les solutions d’élimination du carbone seront un élément essentiel de notre parcours vers le zéro net, en complément d’autres composants et en nous aidant à neutraliser toute émission résiduelle à l’avenir ». Air Canada souligne via Teresa Ehman, directrice principale Affaires environnementales, « bien que nous n’en soyons qu’aux premiers jours d’un long voyage et que beaucoup reste à faire, cette technologie est l’un des nombreux leviers importants qui seront nécessaires, avec beaucoup d’autres, notamment le carburant d’aviation durable et les avions de plus en plus efficaces et de nouvelle technologie, pour décarboner l’industrie de l’aviation ».

Le DACCS « représente un moyen innovant non seulement de supprimer le carbone net de l’atmosphère, mais il a également le potentiel de jouer un rôle dans le développement de carburants d’aviation durables synthétiques », a déclaré Juan José Tohá, directeur des affaires générales et du développement durable, LATAM Airlines Group. « Il n’y a pas de solution miracle pour décarboner le secteur, et nous nous appuierons sur une combinaison de mesures pour atteindre nos ambitions nettes zéro, notamment une plus grande efficacité, des carburants d’aviation durables et de nouvelles technologies, soutenus par la conservation des écosystèmes stratégiques et des compensations de qualité ».

Enfin pour Holly Boyd-Boland, VP Corporate Development de Virgin Atlantic, l’élimination du CO2 directement de l’atmosphère grâce à des technologies innovantes de capture et de stockage du carbone « devient un outil puissant pour atteindre notre objectif de zéro émission de carbone d’ici 2050. Nous sommes impatients de nous associer à Airbus et à 1PointFive pour accélérer le développement de solutions de capture directe du carbone dans l’air et de stockage permanent aux côtés de nos pairs de l’industrie ».

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’élimination du carbone est nécessaire « pour aider le monde à aller au-delà de l’atténuation des effets du changement climatique et pour soutenir la réalisation des objectifs de zéro émission nette ». En outre, conclut Airbus, d’après le rapport Waypoint 2050 de l’Air Transport Action Group (ATAG), « des compensations (principalement sous la forme de suppressions de carbone) seront nécessaires – entre 6 et 8% – pour combler tout déficit d’émissions par rapport à l’objectif ».

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Boeing n’était pas en reste lundi à Farnborough, avec des annonces sur deux axes. Et tout d’abord Cascade, un nouvel outil de modélisation des données pour montrer « les scénarios les plus efficaces pour atteindre la destination » de zéro émission d’ici 2050, et développé avec des universités « de premier plan ». Cascade évalue les impacts du cycle de vie complet des énergies renouvelables « en tenant compte des émissions nécessaires pour produire, distribuer et utiliser des vecteurs énergétiques alternatifs tels que l’hydrogène, l’électricité et les carburants d’aviation durables (SAF) ». Boeing prévoit d’utiliser l’outil Cascade « avec les opérateurs aériens, les partenaires de l’industrie et les décideurs pour informer quand, où et comment les différentes sources de carburant se croisent avec les nouvelles conceptions d’avions ».

« Il existe plusieurs façons d’atteindre un avenir où l’aviation n’aura aucun impact sur le climat. Nous avons créé Cascade sur la base de données crédibles et de modèles analytiques pour permettre aux utilisateurs d’explorer diverses voies vers le net zéro. Nous pensons que ce modèle aidera notre industrie à visualiser, par exemple pour la première fois, l’impact climatique réel de chaque solution, du début à la fin, et pour éclairer les stratégies les plus probables et les plus efficaces », a déclaré Chris Raymond, directeur du développement durable de Boeing

Cascade évalue les principales voies de Boeing pour décarboner l’aviation, et leur « capacité potentielle à réduire les émissions » grâce au renouvellement de la flotte d’avions, aux sources d’énergie renouvelables telles que carburant durable, hydrogène, propulsion électrique, aux améliorations de l’efficacité opérationnelle ou autres « technologies avancées ». « Nous devons adopter une vision holistique de la décarbonation », a ajouté Chris Raymond, « et lorsque nous faisons cela, il est clair que le carburant d’aviation durable (SAF) est un levier nécessaire. Nous savons qu’il faudra une approche ‘SAF et’ et non une approche ‘SAF ou’ pour atteindre le zéro net d’ici 2050 ».

Dans le cadre de l’approche « SAF et », Boeing continue de faire progresser « la sécurité et la viabilité d’autres sources d’énergie renouvelables et leur utilisation dans les avions ». Depuis le milieu des années 2000, Boeing a mené six démonstrations de la technologie de l’hydrogène avec des avions avec et sans équipage, utilisant des piles à hydrogène et des moteurs à combustion. L’année dernière, Boeing a testé avec succès un cryoréservoir conçu pour l’espace avec la capacité de contenir « 16.000 gallons d’hydrogène liquide ou l’équivalent énergétique du carburant Jet A dans un jet régional typique ». L’avionneur a d’autre part investi dans des avions à propulsion électrique par le biais de sa coentreprise avec Wisk, qui s’efforce de mettre sur le marché le premier taxi aérien entièrement électrique et autonome aux États-Unis. L’avion eVTOL tout électrique actuel de Wisk, exposé au salon aéronautique de Farnborough, a effectué « plus de 1600 vols d’essai réussis ».

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©Boeing

Boeing est en outre devenu le membre fondateur du Energy Innovation Center (EIC) de l’Université de Sheffield, dont le but est notamment de développer et commercialiser du SAF. L’EIC inclut le Sustainable Aviation Fuels Innovation Center (SAF-IC), une installation devant aider à tester et certifier de nouveaux carburants d’aviation durables, et le Translational Energy Research Center (TERC) avec des installations adaptées à l’étude de différentes méthodes de production de ce SAF.

« Pour que l’industrie aéronautique respecte son engagement de zéro émission nette de carbone d’ici 2050, il nous faudra tous collaborer et investir dans la recherche scientifique et les tests », a déclaré Brian Moran, vice-président de Boeing, Global Sustainability Policy and Partnerships. L’université de Sheffield abrite déjà le Centre de recherche sur la fabrication avancée (AMRC), fondé en 2001 par Boeing. Ce partenariat soutenu par un financement gouvernemental de 7 millions de livres sterling « contribuera à accélérer le développement de vols plus propres et économes en carburant », a déclaré le ministre de l’Énergie Greg Hands, « ce sera vital alors que nous nous efforçons de mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles volatils, de renforcer notre sécurité énergétique et de réduire les émissions ».

L’Université de Sheffield est l’une des six universités partenaires de Boeing au Royaume-Uni, où l’avionneur compte 3000 employés et « dépense 2 milliards de livres sterling dans la chaîne d’approvisionnement chaque année ».

On retiendra enfin la présentation par Boeing d’une vidéo de son dernier ecoDemonstrator, dévoilé pour les dix ans du programme. Le 777-200ER appartenant à Boeing (N861BC, ex Singapore Airlines, Air New Zealand et Surinam Airways) est sorti des ateliers peinture début juin. L’appareil, dont tous les vols seront opérés avec un mélange de carburant à 30% de SAF,  testera « environ 30 nouvelles technologies » visant à améliorer la durabilité et la sécurité de l’industrie aérospatiale, au cours de six mois d’essais en vol et au sol débutant cet été.

 

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