La justice européenne veut annuler les plans d’aide d’Etat accordés aux compagnies aériennes Lufthansa et SAS Scandinavian Airlines durant la pandémie de Covid-19. Ryanair jubile, mais des recours son attendus.

Le Tribunal de première instance de l’Union européenne a annoncé le 10 mai 2023 avoir annulé les aides d’Etat accordées aux deux compagnies nationales, au motif pour Lufthansa qu’elle aurait pu s’en sortir toute seule et pour SAS Scandinavian que le plan ne comportait pas assez de contraintes.

En Allemagne, où Condor et la low cost Ryanair avait déposé plainte contre les 6 milliards d’euros accordés au Groupe Lufthansa, le tribunal souligne dans son communiqué que la Commission européenne « a commis plusieurs erreurs, notamment, en considérant que Lufthansa était dans l’incapacité de se financer sur les marchés pour la totalité de ses besoins, en omettant d’exiger un mécanisme incitant Lufthansa à racheter la participation de l’Allemagne le plus vite possible, en niant l’existence d’un pouvoir de marché significatif de Lufthansa dans certains aéroports, et en acceptant certains engagements ne garantissant pas la préservation d’une concurrence effective sur le marché ». Il cite en particulier le problème des cessions de créneaux d’aéroport.

Rappelons que depuis septembre dernier, Lufthansa est de nouveau entre les mains uniquement d’actionnaires privés, ayant racheté les 20% du capital détenus par l’Etat depuis 2020. Le groupe a expliqué dans un communiqué qu’il « analysera le verdict et décidera ensuite de la marche à suivre ».

Dans l’arrêt concernant SAS Scandinavian, sur une plainte de Ryanair également, le Tribunal a estimé que la mesure de recapitalisation de 1 milliard d’euros de la part des Etats danois et suédois n’était « pas assortie de conditions incitant à une sortie rapide des gouvernements » du capital de la compagnie scandinave.

Ryanair a salué hier ces arrêts du Tribunal de l’UE « sur les aides d’État discriminatoires favorisant Lufthansa et SAS par rapport aux autres compagnies aériennes de l’UE ». Alors que la crise du Covid-19 a causé de graves dommages à toutes les compagnies aériennes, rappelle la spécialiste irlandaise du vol pas cher, « de nombreux gouvernements nationaux, dont ceux de l’Allemagne, de la Suède et du Danemark, se sont empressés d’adopter des régimes de subventions discriminatoires en faveur de leurs anciennes compagnies nationales, ignorant les autres compagnies aériennes qui contribuent à l’économie et à la connectivité de l’Union européenne ». Ryanair avait donc fait appel de l’approbation de ces subventions illégales par la Commission européenne devant le Tribunal de l’UE en 2021.

« Les arrêts rendus constituent une victoire pour le marché intérieur de l’UE et mettent à mal la politique de l’autruche adoptée par la Commission européenne à l’égard des renflouements massifs et discriminatoires de compagnies aériennes en difficulté par des États membres de l’UE aux poches bien garnies », explique la compagnie aérienne dans un communiqué. Un porte-parole de Ryanair a déclaré : « L’une des plus grandes réalisations de l’UE est la création d’un marché unique pour le transport aérien. L’approbation par la Commission européenne de l’aide allemande à la recapitalisation de Lufthansa et de l’aide suédoise et danoise à la recapitalisation de SAS allait à l’encontre des principes fondamentaux du droit de l’UE ». Il ajoute : « Les arrêts rendus aujourd’hui confirment que la Commission doit agir en tant que gardienne de l’égalité des conditions de concurrence dans le transport aérien, et qu’elle ne peut pas approuver des aides d’État discriminatoires sous la pression politique des gouvernements nationaux. L’intervention de la Cour est un triomphe pour la concurrence loyale et les consommateurs dans l’ensemble de l’UE ».

Ryanair conclut : « pour que l’Europe sorte de la crise de la Covid-19 avec un marché unique qui fonctionne, il faut que les compagnies aériennes soient autorisées à se concurrencer sur un pied d’égalité. Une concurrence non faussée élimine l’inefficacité et profite aux consommateurs, grâce à des tarifs bas et au choix. Les subventions injustifiées, en revanche, encouragent l’inefficacité et nuiront aux consommateurs pendant des décennies ».

La Commission européenne a « pris acte » de l’arrêt du Tribunal sur Lufthansa et se réserve le droit d’engager d’autres « étapes », dont un pourvoi devant la Cour de justice européenne.

Les aides d’Etat à Lufthansa et SAS Scandinavian retoquées 1 Air Journal

©G. Fressy/Cour de justice de l’Union européenne