Le Sénat français a adopté hier un projet de loi sur l’organisation de la navigation aérienne en cas de mouvement social, incluant une obligation pour les grévistes de déclaration 48 heures à l’avance afin de mieux en évaluer l’impact.

La compagnie aérienne low cost Ryanair, qui a multiplié les appels à des changements suite aux multiples grèves du contrôle aérien qui ont perturbé le trafic depuis le début de l’année dans l’hexagone, n’est plus seule : le Sénat a détaillé le 15 juin 2023 sa réponse législative, une proposition de loi « relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic ». Adoptée par 250 voix pour et 92 voix contre, cette proposition de loi crée une obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement social à midi l’avant-veille d’une journée de grève, afin de permettre qu’un mouvement de grève des contrôleurs aériens se traduise par une réduction du trafic proportionnée à l’ampleur de la grève ». 

Ces annulations touchent plus les compagnies aériennes françaises que les compagnies étrangères, rappelle le Sénat : l’impact des grèves au sein de la navigation aérienne française pour le seul groupe Air France est estimé à « plus de 400.000 minutes de retard entre janvier et avril 2023 », période durant laquelle le groupe a annulé plus de 3000 vols. En face, les contrôleurs aériens ont vécu des semaines difficiles « du fait de la mise en place d’un service minimum éprouvant. Le système des réquisitions ne permet pas en effet la meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Il dégrade aussi les conditions de travail et le dialogue social ».

Cette déclaration individuelle permet selon le texte du Sénat de résoudre trois difficultés inhérentes au système actuel :

  • L’ampleur des grèves devenant plus prévisible, il devient possible de mieux ajuster préventivement le nombre d’annulations de vols par rapport aux effectifs réels de grévistes. La réduction du trafic aérien est ainsi plus proportionnée à l’ampleur du mouvement. « Seul un mouvement réellement suivi aurait de fortes conséquences sur l’activité ».
  • Cette prévisibilité accrue permet d’éviter de procéder à des annulations « à chaud » en cas de sous-estimation de l’ampleur de la grève. Ces annulations sont particulièrement préjudiciables aux passagers, venus « pour rien » à l’aéroport, et à l’ordre public dans les terminaux.
  • Enfin, le recours au service minimum « sera mieux contrôlé qu’aujourd’hui puisqu’il ne sera plus activé par précaution, alors que le nombre de grévistes est en réalité plus faible que prévu ». Ainsi, cette déclaration, « loin d’être une restriction du droit de grève, aboutira en réalité à le renforcer dans la pratique ».

Loin de stigmatiser les contrôleurs aériens, cette proposition de loi a pour objectif de répondre aux difficultés concrètes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier. La commission a d’ailleurs adopté deux amendements « pour clarifier le texte » et inclure dans la loi les grèves nationales de la fonction publique, précisant que les déclarations individuelles « peuvent servir à informer les passagers de toutes les adaptations du trafic aérien consécutives à la grève ».

Cette proposition de loi va selon le Sénat plus loin qu’une simple transposition aux contrôleurs aériens de la loi « Diard », applicable à tous les salariés qui concourent directement à l’activité du transport aérien, comme le personnel navigant et les assistants d’escale. Un simple renvoi au code des transports pour des fonctionnaires de la fonction publique d’État « n’aurait en effet pas été adapté à la situation et l’auteur a fait le choix, opportun, de créer un nouvel article au sein du code de la fonction publique afin d’articuler le mécanisme de la déclaration individuelle avec le dispositif du service minimum ». Les contrôleurs aériens seront par ailleurs mieux protégés contre l’utilisation des déclarations individuelles à toute fin autre que celles qu’elle prévoit.

Retrouvez les enjeux de la proposition de loi ici (Loi en clair) et ici (Essentiel).

Grèves du contrôle aérien : un projet de loi sort du Sénat 1 Air Journal

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