La Federal Trade Commission (FTC) américaine a donné son feu vert, sous conditions strictes, au rachat de Spirit AeroSystems par Boeing, une opération à 8,3 milliards de dollars dette comprise qui marque le retour dans le giron du constructeur d’un maillon clé de sa chaîne d’approvisionnement, vingt ans après sa filialisation.
Cette décision, qui intervient après l’accord conditionnel de la Commission européenne à l’automne, impose à Boeing des cessions d’actifs significatives afin de préserver la concurrence, en particulier vis-à-vis d’Airbus et des autres industriels de défense.
Annoncé à l’été 2024, le rachat de Spirit AeroSystems prend la forme d’une transaction en actions valorisant l’équipementier environ 4,7 milliards de dollars en capitaux propres, pour un montant total de 8,3 milliards de dollars en incluant la reprise de sa dette. Spirit, basé à Wichita (Kansas), fournit notamment les fuselages avant de tous les avions commerciaux Boeing, l’intégralité du fuselage du 737 MAX, ainsi que des ailes, nacelles et pylônes moteurs pour plusieurs programmes civils et militaires.
Le contexte : un fournisseur de premier plan mais avec des difficultés
Spirit est devenu au fil des années l’un des tout premiers fournisseurs mondiaux d’aérostructures, avec un portefeuille couvrant fuselages, ailes, pylônes et autres éléments critiques, au service de Boeing mais aussi d’Airbus et d’autres avionneurs et motoristes. L’entreprise a toutefois accumulé difficultés industrielles et financières, sur fond de critiques récurrentes visant ses standards de production et des défauts de fabrication affectant notamment les 737 MAX et 787.
Les garde-fous imposés par la FTC…
Pour laisser aboutir l’opération, la FTC, l’agence fédérale américaine chargée de la protection des consommateurs et de la concurrence, a déposé une plainte formelle le 2 décembre pointant les risques de réduction substantielle de la concurrence, puis publié dès le lendemain un projet d’ordonnance autorisant le rapprochement sous réserve d’un train de remèdes structurels. L’autorité antitrust exige que Boeing cède plusieurs actifs et activités de Spirit, en particulier ceux qui approvisionnent Airbus et d’autres donneurs d’ordres, afin d’éviter qu’il ne contrôle l’accès à des composants essentiels.
La FTC estime que l’acquisition pourrait conférer à Boeing la « capacité et l’incitation » à nuire à ses concurrents commerciaux et militaires, en restreignant l’offre de pièces, en en dégradant la qualité ou en durcissant les conditions commerciales, avec à la clé un risque de hausse des coûts pour l’État fédéral et de frein à l’innovation. Dans sa plainte, l’agence rappelle que Boeing et Airbus concentrent à eux deux environ 95% des livraisons d’avions commerciaux, tandis que Boeing ne fait face qu’à un nombre très limité de rivaux sur le marché des avions militaires (Lockheed Martin, Northrop Grumman et Bell Textron selon les segments).
Tant à Washington qu’à Bruxelles, l’une des conditions clés porte sur le démantèlement des activités de Spirit qui fournissent Airbus, afin que ce dernier ne dépende pas d’une filiale de son principal concurrent pour ses aérostructures. Airbus doit ainsi reprendre plusieurs sites de Spirit dédiés à ses programmes, notamment en Europe et aux États‑Unis, dans le cadre d’une répartition des actifs convenue dès 2024 , et négociée définitivement cette année entre les deux avionneurs.
Dans le cadre de cet accord, Airbus deviendra propriétaire des actifs suivants de Spirit AeroSystems :
- le site de Kinston, en Caroline du Nord, aux États-Unis (sections de fuselage de l’A350) ;
- le site de Saint-Nazaire, en France (sections de fuselage de l’A350) ;
- le site de Casablanca, au Maroc (composants de l’A321 et de l’A220) ;
- la production des « pylônes » (pylons) de l’A220 à Wichita, au Kansas, aux États-Unis ;
- la production des ailes de l’A220 à Belfast, en Irlande du Nord ; et
- la production du fuselage central de l’A220 à Belfast, en Irlande du Nord, à moins que Spirit AeroSystems ne trouve un acquéreur approprié pour la partie du site où ces activités sont situées.
Airbus va également acquérir la production de composants d’ailes pour l’A320 et l’A350 à Prestwick, en Écosse. L’ordonnance de la FTC prévoit aussi le transfert des opérations de Spirit en Malaisie, qui fournissent des pièces à Boeing et Airbus, vers l’industriel local Composites Technology Research Malaysia (CTRM), avec un accompagnement temporaire de Boeing et la nomination d’un contrôleur indépendant pour superviser les cessions.
Pour préserver la concurrence
Un porte-parole de Boeing a salué la décision de la FTC, estimant que cette étape « renforcera la capacité du groupe à fabriquer des avions sûrs et de haute qualité au bénéfice des compagnies aériennes et du grand public ». L’avionneur prévoit désormais de boucler la transaction d’ici la fin de l’année, sous réserve de la finalisation des désinvestissements et de la période de consultation publique de 30 jours ouverte par la FTC, durant laquelle la clôture juridique reste néanmoins possible.
Du point de vue concurrentiel, les autorités américaines et européennes soulignent la difficulté, jugée « extrêmement coûteuse et complexe », de voir émerger de nouveaux fournisseurs d’aérostructures disposant de l’expertise, des investissements et des certifications nécessaires pour rivaliser avec Spirit et quelques grands acteurs. Les remèdes exigés par la FTC et la Commission européenne doivent donc être lus comme une tentative de concilier la volonté de Boeing de sécuriser son appareil productif avec la nécessité de maintenir une base de fournisseurs suffisamment diversifiée pour ne pas enfermer le secteur dans un quasi-monopole d’aérostructures intégrées.

Ah Bon ? a commenté :
4 décembre 2025 - 10 h 25 min
scission en 2005 : 1,2 milliards de $
rachat en 2025: 8,4 milliards de $
Y a pas à dire, on sait compter chez Boeing…
On peut aussi rajouter les coûts de la non-qualité de chez Spirit (carte d’hotel, liquide vaisselle, reprises multiples sur fuselages…)
champions du monde de la stratégie…
Checklist a commenté :
4 décembre 2025 - 20 h 52 min
Avant c’était Boeing Whichita
C’était les beancounters heureusement parti aujourd’hui qui avaient la mauvaise idée de vendre