Des experts externes vont étudier les processus de certification de la FAA pour le Boeing 737 MAX, pendant que le pilote Chesley « Sully » Sullenberger, rendu célèbre par son amerrissage sur l’Hudson, donnait son avis sur ce qui n’allait pas. Ethiopian Airlines a affiché son soutien à l’avionneur, mais la low cost Norwegian Air Shuttle a annulé en partie dix jours de dessertes entre l’Irlande et les Etats-Unis.

Le ministère américain au transport (DoT) va former un comité spécial composé « d’experts indépendants » pour passer en revue le processus de certification de l’Autorité fédérale de l’aviation (FAA), et la délégation de certains éléments à Boeing qui lui a permis de mettre sur le marché un 737 MAX dont le manuel mentionnait à peine le système MCAS, au cœur de toutes les questions concernant les crashes d’Ethiopian Airlines et Lion Air (346 victimes en cinq mois). Les conclusions du comité, dirigé par le général à la retraite de l’US Air Force Darren McDew et le commandant de bord Lee Moak, ancien président du syndicat Air Line Pilots Association, seront remises à la FAA ainsi qu’à Elaine Chao, la secrétaire aux transports qui doit déjà comparaitre mercredi devant une commission du Congrès. Elle a déclaré hier que ces conclusions « aideront à déterminer si des améliorations peuvent être apportées au processus de certification ». Le nouvellement nommé directeur de la FAA Dan Elwell doit lui aussi répondre aux questions des députés demain. Boeing a salué la formation du comité spécial, avec qui il entend « faire progresser notre objectif commun, à savoir une industrie de l’aviation qui soit sûre et qui suscite la confiance du public voyageur. La sécurité est notre priorité absolue lorsque nous concevons, construisons, livrons et entretenons des avions ». Rappelons que le constructeur a convié demain quelque 200 représentants des compagnies aériennes,  « leaders techniques » et régulateurs à une réunion d’information sur cette mise à jour du MCAS et de la formation attenante.

Côté compagnies aériennes, l’avionneur leur a demandé de placer commande « par les procédures standards » pour la mise à jour logicielle du système MCAS, qui a été présenté la semaine dernière à American Airlines, Southwest Airlines, United Airlines, TUI Fly Belgium et un autre opérateur non précisé des 737 MAX. Le VP Communication de Boeing Gordon Johndroe a précisé que cette mise à jour sera bien sûr gratuite, mais qu’elle ne sera bien sûr livrée qu’une fois certifiée par la FAA – et les autres régulateurs comme l’EASA ou Transport Canada pour les transporteurs non-américains. La FAA a d’ailleurs déclaré qu’elle chercherait à un consensus avec ses homologues avant d’annoncer la certification de cette mise à jour, afin selon des sources internes de « mettre fin à l’impression qu’elle est dans la poche de Boeing »..

Quelque peu malmenée par une partie de la presse américaine, qui l’accuse de ne pas fournir aux enquêteurs américains toutes les informations disponibles durant l’analyse des boîtes noires du vol ET302, Ethiopian Airlines a réaffirmé hier son soutien au constructeur : « Soyons clairs: Ethiopian Airlines croit en Boeing », a déclaré dans un communiqué le CEO Tewolde Gebremariam ; « malgré la tragédie, Boeing et Ethiopian Airlines continueront à entretenir des relations pendant de nombreuses années » (les deux-tiers de sa flotte de 113 avions sont fournis par Boeing, aux côtés d’A350 et de Q400). Norwegian Air Shuttle a en revanche annoncé un quasi-arrêt des vols en Irlande du 31 mars au 10 avril : les départs de Cork et Shannon sont suspendus, faute d’avions. Le Dublin – Stewart désormais opéré en 787 Dreamliner est maintenu, tandis qu’un 737-800 reliera la capitale irlandaise à Hamilton et à Providence. Les passagers affectés ont été replacés sur d’autres vols.

Boeing 737 MAX: FAA, Ethiopian, Norwegian – et l’avis de Sully 1 Air JournalOn retiendra enfin l’intervention de pilote Chesley « Sully » Sullenberger, rendu célèbre par son amerrissage sur la rivière Hudson en janvier 2009 (l’A320 de US Airways avait perdu l’usage de ses deux moteurs après un choc aviaire). Dans une tribune visible en intégral et en anglais par exemple ici, il estime que Boeing et la FAA « ne sont pas à la hauteur dans cette vilaine saga qui a débuté il y a des années et s’est révélée dans deux terribles accidents mortels, sans survivants, en moins de cinq mois, sur un nouveau type d’avion, le Boeing 737 Max 8, quelque chose qui est sans précédent dans l’histoire de l’aviation moderne ». La crédibilité des Etats-Unis en tant que leader de l’aviation « a été endommagée », ajoute le pilote.

Pendant trop d’années, la FAA n’a pas reçu de budgets suffisants pour assurer la surveillance appropriée d’un secteur de l’aviation en croissance rapide. La dotation en personnel n’a pas été suffisante pour que les employés de la FAA puissent superviser une grande partie du travail extrêmement important de validation et d’approbation de la certification des aéronefs. Au lieu de cela, une grande partie du travail a été sous-traitée en désignant des employés de constructeurs d’aéronefs pour effectuer le travail pour le compte de la FAA. Ceci, bien sûr, a créé des conflits d’intérêts inhérents, lorsque les employés de la société dont les produits doivent être certifiés conformes aux normes de sécurité sont ceux qui effectuent une grande partie du travail de certification. Il n’y a tout simplement pas assez d’employés de la FAA pour effectuer ce travail important en interne.

Pour aggraver les choses, il existe une relation trop intime entre l’industrie et les régulateurs. Et trop souvent, les employés de la FAA, qui avaient à juste titre appelé à un respect plus strict des normes de sécurité et à des choix de conception plus rigoureux, ont été rejetés par la direction de la FAA, souvent sous la pression de sociétés ou de pressions politiques. Soyons clairs: sans un leadership efficace et le soutien des dirigeants politiques de l’administration, la FAA n’a pas l’indépendance suffisante pour pouvoir faire son travail, qui consiste à assurer la sécurité des voyageurs et des équipages. Superviser doit signifier la responsabilité, ou cela ne veut rien dire. 

Sully revient aussi sur la « pression intense » subie par Boeing pour sortir aussi vite que possible une réponse à l’Airbus A320neo (sans le nommer). Et « lorsque les essais en vol ont révélé un problème de conformité aux normes de certification, ils ont mis au point un correctif, le système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS), mais n’en ont pas parlé aux pilotes d’avion. En atténuant un risque, ils semblent en avoir créé un autre, un risque plus grand », déclare le pilote, selon qui « après le crash de Lion Air 610 en octobre dernier, il était évident que ce nouveau risque devait être traité efficacement. Il a été rapporté que Boeing avait repoussé les discussions avec la FAA sur l’ampleur des changements qui seraient nécessaires. Après le second crash de l’Ethiopian 302, le CEO de Boeing s’est adressé au président américain pour tenter de conserver dans les airs le 737 MAX. Le nouveau correctif n’a toujours pas été mis au point, près de cinq mois après Lion Air. Cela aurait presque certainement pu être fait plus tôt et aurait dû l’être ». Sully conclut en rappelant que « dans ce secteur aéronautique mondial extrêmement compétitif en termes de coûts, rien n’est plus coûteux qu’un accident. Rien ».

Boeing 737 MAX: FAA, Ethiopian, Norwegian – et l’avis de Sully 2 Air Journal