Les menaces sur les commandes de Boeing 737 MAX se précisent, tout comme l’impact sur les compagnies aériennes dont American Airlines et Ryanair et sur les fournisseurs de l’arrêt des livraisons du monocouloir remotorisé depuis le crash d’Ethiopian Airlines il y a presque un mois. 

American Airlines a supprimé de son programme environ 90 vols quotidiens jusqu’au 5 juin 2019 au plus tôt, « attendant toujours des informations de la Federal Aviation Administration (FAA), du Département des transports (DOT), du National Transportation Safety Board (NTSB), d’autres autorités de réglementation et de Boeing » qui permettraient aux 24 737 MAX 8 de sa flotte de reprendre leurs vols. En annulant ces vols de manière proactive, American Airlines dit être en mesure de fournir « un meilleur service » à ses clients avec des options de disponibilité et de modification de la réservation.

La low cost Ryanair devait recevoir le 6 avril à Londres-Stansted son premier monocouloir remotorisé, un 737 MAX 8 200 « Gamechanger » (135 exemplaires commandés, 197 sièges contre 189 dans les 737-800 actuels). Sans faire référence au monocouloir remotorisé, elle va réduire à peau de chagrin au moins deux routes au départ de ce même aéroport londonien. Vers Edimbourg, la low cost ne proposera plus à l’automne que quatre vols par semaine au lieu de jusqu’à 28 ; et vers Belfast International, elle passera de 21 à 2 rotations hebdomadaires. Le choix de ses routes a sans doute quelque chose à voir avec la concurrence directe d’easyJet et donc une moindre rentabilité ; mais Ryanair devait disposer de cinq MAX 200 à la fin de l’année, un appareil qui a volé pour la première fois en janvier et dont elle reste le seul client.

Ukraine International Airlines (UIA) a modifié le calendrier de ses vols pendant la saison estivale, explicitement en raison de la livraison tardive de trois 737 MAX 8 « qui devait entrer en service à partir de la mi-avril ». Les modifications toucheront des destinations telles qu’Athènes, Istanbul et Erevan, où les fréquences seront réduites, ou la route entre Kiev et Vinnytsia qui est suspendue. Certains vols seront également supprimés vers Zaporozhye, Kherson, Ivano-Frankivsk, Bakou, Minsk, Riga, Genève, Amman et Ankara.

Côté commandes, rien n’a été officiellement annulé à ce jour mais la société de leasing chinoise CALC (China Aircraft Leasing Company) a du démentir ce mardi la rumeur selon laquelle elle avait « suspendu » sa commande de 737 MAX, portée à 75 exemplaires fermes en décembre dernier – dont les premiers livrables en 2023. Ethiopian Airlines évoque selon Bloomberg la possibilité de remettre en question les 25 MAX 8 attendus, l’un des cinq déjà mis en service ayant été détruit dans le crash du vol ET302 le 10 mars dernier. « Écoutez, nous avons eu un accident très tragique il y a quelques semaines et les clients ont toujours cet accident en tête. Il sera donc difficile pour nous de convaincre nos clients » de revoler sur le 737 MAX, a déclaré le CEO Tewolde GebreMariam.

Boeing 737 MAX : vols, commandes et coûts en question 1 Air JournalAlors qu’ils avaient été relativement épargnés après l’immobilisation des 737 MAX, Boeing ayant maintenu en l’état la production des monocouloirs, les fournisseurs ont vu le cours de leur action plonger hier dans le sillage de l’avionneur, qui a confirmé la réduction de la production de 52 à 42 monocouloirs par mois. L’action de Spirit AeroSystems a reculé de 7% (même si la société continuera à envoyer 52 parties de fuselages chaque mois, les nouveaux recrutements sont suspendus et les heures supplémentaires réduites) et celle du Triumph Group de 6%, tandis qu’en Europe les Safran, Melrose et autres Meggit étaient également dans le rouge. Des analystes estiment maintenant que le retour dans les airs des 737 MAX pourrait prendre six à neuf mois, contre trois à six mois précédemment. La production globale des 737 en 2019, jusque là prévue aux alentours de 630 exemplaires, pourrait être inférieure à 500. Fin février 2019, le backlog de la famille MAX était de 4636 avions, sur un total de 4723 monocouloirs en attente de livraison.

Boeing a cependant reçu au moins une « bonne » nouvelle : les USA menacent d’imposer des hausses de taxes douanières sur Airbus entre autres dès cet été, si l’Union européenne ne met pas un terme à certaines subventions. Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, estime dans un communiqué que ces subventions « pénalisent » les États-Unis à hauteur de 11 milliards de dollars d’échanges commerciaux chaque année ; la liste de produits visés inclut des hélicoptères et avions civils, des pièces détachées – mais aussi des produits alimentaires, des vêtements ou des motos… Le tout dans le cadre de la bagarre des deux géants de l’aviation devant l’OMC – dont le dernier jugement avait justement condamné Boeing.

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