La FAA n’a établi aucun calendrier pour le retour en service des Boeing 737 MAX, tandis que l’EASA aurait posé trois pré-conditions à son propre feu vert. Les trois principales compagnies aériennes chinoises et Turkish Airlines demandent une compensation pour l’immobilisation de leurs appareils.

Alors qu’elle reçoit ce 23 mai 2019 à Dallas les représentants de 33 homologues du monde entier, y compris les régulateurs européen, britannique, chinois et canadien, dans le cadre du nouvellement créé JATR (Joint Authorities Technical Review), l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) américaine a souligné hier qu’aucun calendrier n’a été établi quant à un retour dans le ciel du monocouloir remotorisé, impliqué dans deux accidents qui ont fait 346 victimes en Indonésie et en Ethiopie. La mise à jour dévoilée fin mars par Boeing du système MCAS anti-décrochage des 737 MAX ne lui a toujours pas été soumise, précisait hier le directeur par intérim de la FAA Dan Elwell, ajoutant que l’administration n’a « pas encore fini de déterminer précisément quelles formations seront nécessaires ». Interrogé sur les espoirs des compagnies aériennes d’un retour vers le mois d’août des 737 MAX dans le ciel, il a répondu : « nous suivrons un processus robuste, rigoureux et nous ne négligerons rien, (…). Si cela prend un an pour trouver tout ce qui est nécessaire pour nous redonner confiance, qu’il en soit ainsi ». Un communiqué de Boeing rappelle que « la mise à jour du logiciel est terminée, et Boeing fournit maintenant des informations supplémentaires pour répondre aux demandes de la FAA. Une fois les demandes traitées, Boeing collaborera avec la FAA pour programmer son vol d’essai de certification et soumettre la documentation de certification finale ».

La réunion de ce jeudi à Dallas permettra à la FAA de présenter sa propre analyse de sécurité à ses homologues étrangers, avant qu’elle ne conduise son vol de certification. L’Agence européenne pour la sécurité aérienne (EASA) a déjà détaillé ses exigences pour le redécollage des 737 MAX sur le vieux continent : que les modifications présentées par Boeing soient « approuvées et mandatées » par elle même, qu’une « étude indépendante du design » soit menée par ses soins, et que les pilotes des MAX soient « correctement formés ». « Nous travaillons pour que le 737 MAX soit remis en service dès que possible, mais seulement une fois que sa sécurité sera pleinement assurée », a déclaré un porte-parole au Financial Times, ajoutant que ces pré-conditions avaient été transmises à Boeing et à la FAA. Cette dernière reste cependant « optimiste » sur le fait qu’elle peut amener les autres régulateurs à se mettre d’accord sur le processus permettant de remettre les avions en service : « l’idée est que nous travaillons globalement à partir de la même partition, et que la musique est la base de données utilisée pour déterminer quand l’avion peut voler en toute sécurité », a déclaré Dan Elwell.

L’IATA va de son côté rencontrer ce jeudi à Montréal les compagnies aériennes affectées depuis la mi-mars par l’immobilisation des 371 737 MAX 8 et MAX 9 mis en service, dans le but selon son PDG Alexandre de Juniac d’évaluer « ce qu’elles attendent du fabricant et des autorités de réglementation ». Pour certains clients, une partie des réponses est déjà connue : Air China, China Eastern Airlines et China Southern Airlines ont envoyé des demandes formelles de compensation pour l’immobilisation de leurs 737 MAX (respectivement 16, 15 dans des filiales et 24 livrés) et le report des livraisons. Le président de Turkish Airlines (12 MAX livrés) Ilker Ayci a confirmé de son côté que les demandes de compensation « sont sur la table » dans les négociations avec Boeing, suivant l’exemple des low cost Norwegian Air Shuttle et Flydubai qui avaient déjà évoqué le sujet. Aucun montant n’est bien sûr cité ; les MAX ont été remis à 47 compagnies aériennes, sociétés de leasing et clients VIP. Le président d’American Airlines (24 MAX) Robert Isom a de son côté déclaré à ATW : « Je pense que ces deux réunions sont vraiment importantes. Je m’attends à, et j’espère que nous aurons plus de clarté sur la trajectoire permettant de faire redémarrer l’avion » ; elle a calculé que l’immobilisation de ses MAX lui coûtera 350 millions de dollars sur l’année.

La complexité de la remise en service des 737 MAX a été très bien décrite par le CEO de Singapore Airlines Go Choon Phong : il a expliqué dans Australian Aviation que le feu vert de la CAAS singapourienne permettrait à SilkAir de remettre en service les 5 MAX 8 déjà livrés, mais que les appareils ne pourraient pas voler vers l’Indonésie ou la Chine si les régulateurs de ces pays n’étaient pas sur la même longueur d’onde, limitant de fait leur utilité. « Dans de tels cas, il y a un gros point d’interrogation, si nous devrions ou non opérer (les MAX) à ce moment-là, quand l’interdiction sera levé à Singapour », a déclaré M. Goh.

Boeing 737 MAX : régulateurs et compensations au programme 1 Air Journal