Le patron de la FAA a admis hier que la nouvelle certification du Boeing 737 MAX n’interviendra pas cette année, et qu’elle aurait dû clouer au sol le monocouloir remotorisé après le premier des deux accidents qui ont fait 346 morts en cinq mois. La compagnie aérienne low cost Ryanair craint de nouveaux retards de livraison du Boeing 737 MAX.

L’audition devant le Congrès le 11 décembre 2019 de Steve Dickson, administrateur de la FAA (Autorité fédérale de l’aviation) était très attendue, tout comme celle du lanceur d’alerte à l’origine des révélations sur le système anti-décrochage MCAS impliqué dans les crashes de Lion Air et Ethiopian Airlines. Mais le tout a été quelque peu éclipsé par la déclaration sur CNBC du patron du régulateur américain sur le processus de certification : « cela va s’étendre en 2020 », a-t-il prévenu, portant un coup d’arrêt définitif aux – minces – espoirs de Boeing d’un feu vert cette année au retour dans les airs des 737 MAX, immobilisés depuis mars dernier. Steve Dickson a expliqué qu’il y a « un nombre de procédures, d’étapes importantes qui doivent être franchies et si vous faites le calcul, chacune de ces étapes va prendre du temps », et a rappelé que des pilotes internationaux seront invités « pour nous aider dans le processus » ; un rapport sera ensuite publié, et ouvert aux commentaires du grand public. Et il a de nouveau insisté sur le fait que les projections de Boeing sur une remise en service des MAX « ne sont pas celles de la FAA ».

Ces déclarations ont été faites avant l’audition de Steve Dickson devant la Commission aux transports de la Chambre des Représentants, et suite à la publication d’un mémo interne de décembre 2018 suggérant que, sans modification après le crash de Lion Air en octobre, les MAX « pourraient subir un accident fatal environ tous les trois ans » durant les 45 ans de la durée de vie estimée du programme (celui d’Ethiopian Airlines est survenu cinq mois plus tard). L’estimation reposait sur l’hypothèse qu’un équipage sur 100 « ne réagirait pas efficacement et ne gèrerait l’urgence », même s’il était connu à l’époque que sur deux vols de Lion Air où le MCAS avait failli, l’un s’était terminé par une catastrophe. L’administrateur a répondu que « ce que nous avons fait par le passé et ce que nous faisons maintenant n’est pas suffisant pour l’avenir ». Et il a déclaré : la FAA « ne délègue rien à Boeing. Quant le 737 MAX rentrera en service, les problèmes de sécurité auront été résolus et les pilotes auront la formation dont ils ont besoin. Je ne donnerai pas de feu vert à cet appareil avant de l’avoir piloté moi-même ».

Deux autres témoignages hier ont apporté un éclairage sur les prémices de la crise du 737 MAX. L’ancien ingénieur de la FAA Michael Collins a décrit comment « au moins 18 experts » du régulateur avaient conclu, alors que la certification du MAX approchait, que Boeing devait pour améliorer les redondances modifier les câbles des commandes de stabilisateur hérités d’un appareil des années 60 – avant d’être contredits par un manager de la FAA à Seattle. Quant au lanceur d’alerte enfin révélé, Edward Pierson (un ancien directeur de Boeing à la FAL 737 de Renton), il a répété aux députés les problèmes qu’il avait soulevé en 2018 sur l’état de fatigue des employés, les mauvaises communications et la pression des horaires à l’usine, disant que la baisse de qualité qui en résultait « pourrait mettre en danger le public volant ». Il a expliqué avoir « recommandé à deux reprises » de fermer une FAL pour donner aux travailleurs « le temps de traiter en toute sécurité un retard de production » ; et il « demeure profondément préoccupé par le fait que ces conditions de production dysfonctionnelles aient pu contribuer aux tragiques crashes du 737 MAX, et que le public demeurera en danger à moins que cet environnement de production instable ne soit rigoureusement étudié et étroitement surveillé par les régulateurs sur une base continue ». Pour M. Pierson, les problèmes de Boeing ne sont pas limité au logiciel du MCAS, les deux accidents ayant débuté avec les capteurs AOA – « un problème qui pourrait être lié à leur production ».

Parmi les compagnies aériennes affectées par la crise du 737 MAX se trouve la low cost Ryanair qui attend 135 737 MAX 8-200 (version densifiée du MAX 8, qui accueillera 197 passagers contre 189 dans ses 737-800 et devrait nécessiter une certification de type séparée). Comme son directeur Neal McMahon l’évoquait le mois dernier, le patron de Ryanair Holdings Michael O’Leary a expliqué qu’il s’attendait désormais à recevoir en mai et juin 2020 « peut-être dix, peut-être zéro, peut-être quinze » nouveaux avions. Le dirigeant doit rencontrer Boeing en janvier, et dit espérer avant la fin du mois prochain un retour dans les airs des monocouloirs remotorisés – du moins aux USA. Car en Europe « l’EASA traine des pieds », a-t-il déclaré à Reuters, ce qui signifierait selon lui une immobilisation des 737 MAX sur le vieux continent « jusqu’à avril ou mai ». La crise lui couterait au moins 100 millions de dollars par an ; une porte-parole du régulateur européen a répondu que s’il souhaitait un retour dans les airs le plus rapide possible, cela se fera « indépendamment de toute pression commerciale, économique ou politique ».

Michael O’Leary a d’autre part confirmé à Flightglobal que les passagers de Ryanair ne sauront pas au moment de la réservation s’ils vont voyager sur un 737 MAX, « parce que nous même ne le savons pas » : le système de répartition des avions de la low cost se fait chaque nuit pour la journée suivante, a expliqué le dirigeant. Avant d’affirmer que la confiance dans l’avion « reviendra vite », comme ce fut le cas pour les 787 Dreamliner qui avaient eux aussi été cloués au sol après une série d’incendie de leurs batteries. Et de toute façon, les passagers « aimeront les nouveaux intérieurs, les sièges, le pitch augmenté et les moteurs plus silencieux », a-t-il affirmé, répétant une fois de plus qu’il était prêt à passer une nouvelle commande – « si le prix est juste ».

Boeing 737 MAX : 2020 au plus tôt, FAA et Ryanair 1 Air Journal

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