L’accord à 3,6 milliards d’euros passé entre Airbus et les autorités françaises, britanniques et américaines dans le cadre d’enquêtes sur des accusations de corruption a réveillé les ardeurs un peu partout dans le monde. Le CEO de la low cost AirAsia en Malaisie s’est mis en retrait, la compagnie aérienne Avianca lance une enquête interne, et un contrat militaire est remis en question au Ghana. En Afrique du Sud, une commission spéciale va remonter jusqu’à 2002 pour identifier ce qui ne va pas chez la compagnie nationale South African Airways.

La justice française a homologué vendredi dernier l’accord passé entre Airbus et le Parquet national financier (PNF), qui solde l’enquête anticorruption ouverte contre l’avionneur européen moyennant le versement d’une amende d’intérêt public de 2,083 milliards d’euros. Toujours dans le cadre d’accords négociés, l’avionneur européen devra également verser 984 millions au Royaume-Uni et 526 millions aux États-Unis, sous réserve que la justice de ces deux pays valide le deal comme c’est le cas avec la justice française. Ces accords mettent fin aux poursuites contre Airbus en tant que personne morale, mais une enquête préliminaire est toujours en cours sur ses dirigeants ou ex-dirigeants.

La nouvelle semble avoir aiguillonné les enquêteurs un peu partout : en Malaisie, c’est le groupe low cost AirAsia qui est dans le viseur de la commission anti-corruption, le patron Tony Fernandes et le président Kamarudin Meranun s’étant « volontairement écartés de leurs fonctions exécutives » pendant au moins deux mois afin de permettre une enquête indépendante sur les allégations de corruption concernant Airbus – qui nie comme les deux dirigeants tout acte répréhensible. Des allégations surgies lors de l’enquête en Grande Bretagne, deux « acteurs clés » chez AirAsia et AirAsia X ayant selon le SFO été « récompensés via un parrainage sportif » (l’équipe de F1 Caterham) à hauteur de 50 millions de dollars après « une commande de 180 avions, ensuite réduite à 135 appareils ».

En Colombie, c’est la compagnie nationale Avianca qui a engagé un cabinet d’avocats pour mener une enquête interne indépendante sur ses relations avec Airbus, en particulier lors de la commande de 100 A320neo passée en février 2015. « Des informations profondément préoccupantes concernant les actions présumées d’un individu chez Avianca pendant la période antérieure à mars 2016 » ont été révélés, a déclaré le président d’Avianca Holdings, Anko van der Werff ; « notre équipe de direction actuelle rejette fermement toute conduite qui ne reflète pas l’intégrité et la transparence des affaires en général, et en particulier envers Avianca ». La compagnie promet qu’elle « collaborera pleinement » avec les autorités compétentes.

Au Ghana, c’est un contrat concernant les Airbus C295 qui est au aurait fait l’objet d’une commission de 5 millions d’euros (deux appareils commandés en 2011, un troisième en 2012). L’avionneur aurait engagé « un proche parent d’un haut fonctionnaire élu du gouvernement ghanéen », décrit comme un décideur clé dans les ventes d’avions, en tant que partenaire commercial ; la commission « a été versée ou promise » selon le SFO, et de faux documents « ont été créés par ou avec l’accord des employés d’Airbus afin de soutenir et de dissimuler ces paiements ». Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a « pris connaissance » des détails de l’accord Airbus et de ses « implications », demandant au bureau du procureur spécial de collaborer avec les autorités britanniques et de mener une « enquête rapide ».

Chez South African Airways, déjà en mauvaise posture, Airbus n’est pas spécifiquement visé même si « l’acquisition et la passation de marchés des avions Airbus, ainsi que la maintenance, font partie des questions renvoyées à l’unité spéciale d’enquête » selon le Journal officiel. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a autorisé les enquêteurs à enquêter sur « les allégations de mauvaise administration, de corruption ou de conduite illégale » remontant à au moins 2002. La déclaration indique que SAA ou l’État sud-africain « pourrait avoir subi des pertes, en raison de pratiques présumées, qui pourraient être récupérées » ; mais aucune allégation spécifique n’est détaillée, même si le texte évoque des « préoccupations potentielles » de mauvaise administration concernant les prestations de remboursement de voyage, les paiements du transporteur aux vendeurs et « d’autres domaines ».

D’autres compagnies aériennes impliquées dans le scandale de corruption ont été dévoilées par le PNF français : China Airlines à Taïwan dans le cadre d’une commande d’A350 en 2008 (« dispositions juridiques et financières dont la complexité et l’opacité visaient clairement à permettre le transfert de fonds en toute discrétion »), la low cost Air Arabia à Sharjah (preuves de « compensation cachée » lors des premières commandes d’A320), Korean Air à Séoul (« paiements présumés » lors de commandes d’A330 dans les années 90) et Nepal Airlines à Katmandou. « Nous n’avons pas été informés », a déclaré une porte-parole de la compagnie nationale sud-coréenne, les autres ne faisant pas de commentaire.

Rappelons qu’Airbus affirme ne plus avoir recours à des intermédiaires depuis 2014 ; le groupe avait lui-même transmis au SFO en 2016 ses soupçons de fraude, via le PDG de l’époque Tom Enders.

Corruption : ça bouge chez AirAsia, Avianca, au Ghana ou à South African Airways 1 Air Journal

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