La Commission européenne va augmenter les droits de douanes sur les exportations américaines vers l’UE de 4 milliards de dollars, y compris via une taxe supplémentaire de 15% sur les avions de Boeing. Mais la fin de l’immobilisation au sol de tous les 737 MAX pourrait être annoncée dès la semaine prochaine par la FAA, tandis que la compagnie aérienne low cost Southwest Airlines chercherait à en acheter 30 auprès de rivales ou sociétés de leasing ayant renoncé aux leurs.

Si le texte européen ne sera publié que ce 10 novembre 2020, les « contre-mesures » prises par l’Europe après le feu vert fin octobre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les subventions américaines illégales à Boeing sont confirmées : elles ont été « convenues par les États membres de l’UE, car les États-Unis n’ont pas encore fourni la base d’un règlement négocié, qui comprendrait une suppression immédiate des droits de douane américains sur les exportations de l’UE dans l’affaire Airbus à l’OMC », précise la Commission européenne, et seront donc mises en place ce mardi. La Commission souligne qu’elle est prête à travailler avec les États-Unis « pour régler ce différend et également pour convenir de disciplines à long terme concernant les subventions aux aéronefs ». Les avionneurs des deux rives de l’Atlantique avaient déjà appelé au calme dans ce conflit lancé il y a 16 ans.

Ces contre-mesures mettent l’UE « sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis », avec des tarifs importants de chaque côté sur la base de deux décisions de l’OMC liées aux subventions aux avions, rappelle la CE. Ils comprennent des tarifs supplémentaires de 15% sur les avions ainsi que des tarifs supplémentaires de 25% sur une gamme de produits agricoles et industriels importés des États-Unis, « reflétant ainsi strictement les contre-mesures imposées par les États-Unis dans le cadre de l’affaire de l’OMC sur les subventions à Airbus ».

Le commissaire européen chargé du commerce Valdis Dombrovskis a déclaré dans le communiqué : « Nous avons toujours indiqué clairement que nous voulions régler ce problème de longue date. Malheureusement, faute de progrès avec les États-Unis, nous n’avons eu d’autre choix que d’imposer ces contre-mesures. L’UE exerce par conséquent ses droits juridiques en vertu de la récente décision de l’OMC. Nous appelons les États-Unis à accepter que les deux parties abandonnent les contre-mesures existantes avec effet immédiat, afin que nous puissions rapidement mettre cela derrière nous. La suppression de ces tarifs est une solution gagnant-gagnant pour les deux parties, en particulier avec la pandémie qui ravage nos économies. Nous avons maintenant l’occasion de redémarrer notre coopération transatlantique et de travailler ensemble vers nos objectifs communs » (le nom du président-élu Joe Biden n’est pas mentionné).

La réponse de Boeing n’a pas varié : « au lieu d’aggraver davantage la situation, nous espérons qu’Airbus et l’UE prendront des mesures significatives pour résoudre ce différend commercial », a déclaré un porte-parole. Même ton chez Airbus, qui dit « soutenir toutes les actions nécessaires pour créer des conditions de concurrence équitables, et continuer de soutenir l’engagement de l’UE à trouver un règlement négocié de ce différend de longue date afin d’éviter ce jeu perdant-perdant des doits de douanes».

Boeing : taxes européennes mais espoir sur les 737 MAX 1 Air Journal

©Boeing

Une meilleure nouvelle pour Boeing est venue de sa propre rive : Steve Dickson, l’administrateur de la FAA qui étudie la recertification du 737 MAX, a déclaré à Reuters qu’il s’attend à ce que « ce processus soit terminé dans les prochains jours, une fois que l’agence sera convaincue que Boeing a résolu » tous les problèmes de sécurité liés au monocouloir remotorisé, cloué au sol depuis mars 2019 après deux crashes ayant fait 346 victimes chez les compagnies aériennes Lion Air puis Ethiopian Airlines. Des sources de l’agence citent même la date du 18 novembre pour une annonce de la FAA. La campagne de recertification concerne en particulier la mise à jour du logiciel anti-décrochage MCAS, mis en cause dans les deux accidents.

Une fois ce feu-vert au redécollage du 737 MAX officialisé, il devrait falloir environ un mois à ses clients pour mettre à jour les appareils et former les pilotes aux changements apportés ; American Airlines par exemple prévoyait déjà à la mi-octobre un retour en service avant la fin de l’année, tandis que la low cost Southwest Airlines visait « probablement » le deuxième trimestre 2021.

Rappelons que le volet sur la formation des pilotes aux nouveaux systèmes est l’objet de critiques de la part de nombreux syndicats, aux USA mais aussi en Grande Bretagne. Fin septembre, l’EASA européenne avait par la voix de son directeur Patrick Ky laissé entendre que les MAX modifiés pourraient également être certifiés en novembre, et rentrer en service avant la fin de l’année sur le Vieux Continent. La Chine en particulier n’a encore rien dit à ce sujet.

Autre bonne nouvelle cette fois selon l’agence Bloomberg, concernant justement la spécialiste américaine du vol pas cher : Southwest Airlines serait en « discussions avancées » avec Boeing pour racheter jusqu’à 30 737 MAX « white tails » – des avions assemblés auxquels les acheteurs initiaux, compagnies aériennes ou sociétés de leasing, ont renoncé. Ces appareils remplaceraient en tout cas un nombre identique dans son carnet de commandes, qui compte 249 MAX 8 et MAX 7 (plus 115 options). Un quart des quelque 450 MAX assemblés depuis mars 2019 seraient des « white tails » selon certaines sources.

La low cost basée à l’aéroport de Dallas-Love Field a déjà reçu 34 MAX 8, et a négocié avec Boeing pour « ne pas recevoir plus de 48 MAX » d’ici le 31 décembre 2021, à des dates non encore finalisées. Une restructuration de la commande est négociée en ce moment pour les livraisons prévues à partir de 2022, quand elle attendra encore 217 MAX commandés fermes (dont 30 MAX 7) – si elle n’a pas d’ici là opté pour les Airbus A220

Boeing : taxes européennes mais espoir sur les 737 MAX 2 Air Journal

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