Le problème de peinture des Airbus A350 dénoncé par Qatar Airways aurait aussi affecté les appareils de cinq autres compagnies aériennes dont Air France, Etihad Airways ou Finnair entre autres. Les premières conclusions d’une étude sur l’impact d’un carburant aviation 100% durable (SAF) utilisé sur les deux moteurs d’un avion commercial ont fourni des premiers résultats prometteurs selon Airbus.

Selon l’agence Reuters, la compagnie nationale qatarie n’est pas la seule à rencontrer le  problème de peinture qui a forcé Qatar Airways à suspendre les livraisons et immobiliser 21 des 53 exemplaires livrés à ce jour (16 A350-900 et cinq A350-1000 selon Planespotters), 23 A350-1000 étant encore en attente de livraison. Finnair aurait noté le problème dès 2016, imitée depuis par Cathay Pacific, Etihad Airways, Lufthansa et Air France (dans le cadre de la maintenance des avions d’Air Caraïbes) qui ont elle aussi constaté des dégâts sur le fuselage.

Airbus a expliqué à l’agence que le problème, une « usure précoce de la surface », est « cosmétique » et n’entraine aucun risque pour la sécurité des vols. Mais l’avionneur continue d’essayer de régler le problème, qui dans certains cas avait laissé apparaître « une sous-couche de treillis conçue pour absorber la foudre ». « Nous n’avons constaté aucun effet sur la structure de l’avion et les opérateurs continuent de voler avec des niveaux élevés de fiabilité opérationnelle », a déclaré l’ingénieur en chef de l’A350 Miguel Angel LLorca Sanz. « Cela n’affecte pas du tout la protection contre la foudre en raison des marges (de sécurité) substantielles … Ce n’est pas du tout un problème de navigabilité », a-t-il ajouté.

Rappelons que le patron de Qatar Airways, Akbar Al Baker, avait été particulièrement cinglant envers Airbus, dont il qualifie aussi l’A380 de sa « plus grande erreur » (même s’il est contraint de les remettre en service). « Nous avons un problème avec Airbus que nous devons régler. Et si nous ne pouvons régler ce sérieux problème avec eux, nous refuserons de prendre livraison de nouveaux appareils », avait-il déclaré à Bloomberg TV début juin, expliquant que faute de solution, cela pourrait « tendre les relations » entre le constructeur et la compagnie aérienne mais aussi « IAG, LATAM et d’autres transporteurs dont nous sommes actionnaires ». La compagnie basée à l’aéroport de Doha veut que le problème soit réglé avant de recevoir ses prochains A350.

L’étude ECLIF3, à laquelle participent Airbus, Rolls-Royce, le centre de recherche allemand DLR et le producteur de SAF Neste, marquait au printemps la première fois que le SAF à 100% a été mesuré simultanément sur les deux moteurs d’un avion commercial – un Airbus A350 équipé de moteurs Rolls-Royce Trent XWB. Les tests d’émissions en vol et les essais au sol associés au programme ont récemment repris. L’équipe interdisciplinaire, qui comprend également des chercheurs du Conseil national de recherches du Canada et de l’université de Manchester, « prévoit de publier ses résultats dans des revues spécialisées vers la fin de l’année prochaine et en 2023 » a annoncé Airbus dans un communiqué.

En avril dernier, l’A350-900 MSN1 a effectué trois vols au-dessus de la mer Méditerranée, suivi par un avion d’accompagnement Falcon du DLR (équipé de plusieurs sondes pour mesurer les émissions en croisière jusqu’à une distance de seulement 100 mètres de l’A350), afin de comparer les émissions en vol avec du kérosène et avec du carburant durable HEFA (hydro-processed esters and fatty acids) de Neste. L’équipe a également effectué des tests de conformité en utilisant 100% de SAF « qui n’ont révélé aucun impact opérationnel ». Les essais d’émissions en vol avec 100% de SAF et un mélange de carburant HEFA/Jet A-1 ont repris en novembre, tandis que des essais d’émissions au sol « visant à quantifier les avantages du SAF sur la qualité de l’air ambiant » ont également été réalisés.

L’équipe de recherche a constaté selon Airbus que le SAF libère moins de particules que le kérosène conventionnel « dans toutes les conditions de fonctionnement, ce qui laisse entrevoir la possibilité de réduire l’impact climatique et d’améliorer la qualité de l’air autour des aéroports ». En outre, le SAF a « une densité plus faible mais un contenu énergétique plus élevé par kilogramme de carburant » par rapport au kérosène conventionnel, ce qui présente « certains avantages en termes de rendement énergétique » des avions en raison de la diminution de la consommation de carburant et de la masse de carburant à embarquer pour réaliser la même mission. L’équipe procède actuellement à une analyse détaillée.

Les conclusions de l’étude soutiendront les efforts actuellement déployés par Airbus et Rolls-Royce pour s’assurer que le secteur de l’aviation « est prêt pour l’utilisation à grande échelle de SAF dans le cadre de l’initiative plus large de décarbonation de l’industrie ». Les avions sont actuellement autorisés à fonctionner avec un mélange de 50% de SAF et de carburant d’aviation conventionnel, mais les deux sociétés soutiennent la campagne visant à certifier l’utilisation de 100% de SAF.

« Les moteurs et les systèmes de carburant peuvent être testés au sol, mais la seule façon de recueillir l’ensemble des données sur les émissions nécessaires à la réussite de ce programme est de faire voler un avion en conditions réelles », a déclaré Steven Le Moing, responsable du programme des énergies nouvelles chez Airbus. « Les essais en vol de l’A350 offrent l’avantage de caractériser les émissions directes et indirectes du moteur, y compris les particules présentes dans le sillage d’un avion à haute altitude ». Pour Simon Burr, directeur du développement des produits et de la technologie de Rolls-Royce pour l’aéronautique civile, cette recherche « s’ajoute aux tests que nous avons déjà effectués sur nos moteurs, tant au sol qu’en vol, qui n’ont trouvé aucun obstacle d’ingénierie à ce que nos moteurs fonctionnent avec 100% de SAF. Si nous voulons vraiment décarboner le transport aérien long-courrier, le 100% SAF est un élément essentiel et nous nous engageons à soutenir sa certification ».

Airbus entre problèmes de peinture et promesses du biocarburant 1 Air Journal

©S. Ramadier/Airbus