L’invasion de l’Ukraine par la Russie continue d’avoir des répercussions sur le transport aérien commercial : la hausse du prix du carburant a poussé Alaska Airlines à réduire son offre, Air Canada a opéré un vol de fret humanitaire vers la Pologne, et l’île de Man va dés-enregistrer les avions des oligarques. En Russie, un aéroport de Moscou a fermé un terminal faute de vols, et un projet de loi veut interdire aux compagnies aériennes du pays de rendre les avions pris en leasing en Occident.

Après la mise en place de surcharge carburant par plusieurs transporteurs, la hausse du prix du carburant d’aviation à des niveaux pas vus depuis 2012 a poussé par exemple Alaska Airlines à faire un choix différent, revoir à la baisse ses prévisions de capacité au premier semestre. Alors que la compagnie américaine basée à l’aéroport de Seattle espérait revenir à une offre similaire à celle de 2019, avant la pandémie de Covid-19, elle prévoit une baisse « de 3% à 5% ». Dans son communiqué à la SEC, Alaska Airlines explique que les prix du carburant « ont été volatils en raison du conflit en Europe et de l’invasion continue de l’Ukraine par la Russie » ; ils devraient être supérieurs de 15 cents par gallon à ses prévisions précédentes, qui tablaient sur 2,45$ à 2,50$ par gallon. Mais elle rappelle que ce n’est pas la première fois depuis le début de la pandémie que « les circonstances ne soutiennent plus les plans » précédemment annoncés.

Pour certains analystes, cette hausse des prix pourrait entrainer une augmentation du prix du billet d’avion de 10% à 15% – si le cours du baril atteint les 200 dollars. Interrogé par The Australian, Graham Turner « suppose qu’avec l’augmentation de la capacité des compagnies aériennes, nous devrions revenir aux tarifs aériens internationaux pré-Covid au cours des six prochains mois », tout en jugeant « peu probable que l’augmentation des tarifs dissuade les voyageurs internationaux ». La montée des tensions en Europe pourrait en revanche le faire : « Si ça se calme, les voyages augmenteront, mais si ça empire, les gens seront plus réticents à voyager. Si la situation reste la même, les gens s’y habitueront et continueront de voyager », a-t-il déclaré. La seule chose qui l’inquiéterait, « c’est une guerre européenne totale, ce qui est probablement une possibilité mince mais toujours une possibilité ».

Air Canada de son côté a envoyé mercredi un Boeing 787-9 Dreamliner vers l’aéroport de Varsovie, le « vol tout-cargo humanitaire » assuré au nom d’Airlink et d’autres organismes d’aide transportant des lits d’hôpitaux ainsi que de fournitures humanitaires et médicales. Project C.U.R.E. gèrera en Pologne la distribution des fournitures aux hôpitaux traitant les civils ukrainiens blessés au cours du conflit armé, afin d’accroître la capacité de prise en charge des hôpitaux en régions frontalières.

Guerre en Ukraine : tarifs, île de Man, aéroport de Moscou, leasing menacé… 1 Air Journal

©Air Canada

En Grande-Bretagne où de nouvelles sanctions frappent les oligarques russes, l’île de Man a selon aeroTelegraph décidé de  se débarrasser des avions des oligarques russes. Le paradis fiscal bien connu des propriétaires de jets de luxe a commencé à sortir les appareils russes de son registre au lendemain des premières sanctions européennes, y compris l’Airbus A340-300 immatriculé M-IABU d’Alisher Usmanov, un des cent hommes les plus riches du monde selon Forbes, et qui est décrit par l’UE comme « un des oligarques préférés de Vladimir Poutine ». L’avion en question de trouve actuellement en Ouzbékistan, mais les autorités de Man ont lancé « un examen détaillé » pour identifier les réels propriétaires d’autres appareils ; sept autres avions ont été rayés des listes de l’île.

Pendant ce temps en Russie, les diverses fermetures d’espaces aériens et l’annonce par Aeroflot entre autres de la suspension de la quasi-totalité des vols internationaux a conduit l’aéroport de Moscou-Sheremetyevo à fermer son terminal D. La première plateforme du pays a expliqué sa décision à l’agence RIA Novosti par « la situation de l’industrie aéronautique », qui prive l’aéroport des activités d’une douzaine de compagnies occidentales dont Air France, Brussels Airlines, Finnair, KLM ou LOT Polish Airlines entre autres – et donc de la compagnie nationale russe qui y est basée.

 

Des sources du régulateur russe Rosaviatsia expliquent de leur côté que la Chine a suspendu les exportations de pièces détachées d’avions occidentaux aux compagnies russes, suivant la décision d’Airbus et Boeing au nom des sanctions mises en place par leurs états respectifs. Un responsable de l’agence russe a expliqué que le pays essaiera de trouver des pièces « en Turquie ou en Inde », deux pays n’ayant pas pris de sanctions après l’invasion de l’Ukraine.

Le parlement russe a de son côté publié un projet de loi qui pourrait interdire aux compagnies russes de rendre les avions loués après de sociétés de leasing occidentales– plus de 400 appareils au total, principalement de sociétés basées en Irlande. L’Europe a donné jusqu’à la fin mars à ses sociétés pour rompre leurs contrats (« pas réaliste » selon BOC Aviation), et la loi obligerait durant toute l’année 2022 les transporteurs russes à payer tout règlement en roubles, dont la valeur a perdu 30% par rapport au dollar de rigueur dans ces transactions. Et quand un loueur dénoncera un contrat, c’est un « comité spécial » du gouvernement qui décidera si l’avion doit quitter le sol russe. Et ce malgré la Convention du Cap qui facilite justement ce genre d’opérations.

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Moscou-Sheremetyevo ©Alex Beltyukov