La pénurie de pilotes s’installe durablement dans le transport aérien européen. Une situation rendue plus aiguë par la reprise accélérée du trafic aérien après la crise sanitaire, conjuguée à des départs massifs à la retraite et à une capacité de formation insuffisante.

Selon les dernières prévisions de l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA), l’Europe pourrait faire face à un déficit de 19 000 pilotes à l’horizon 2032, alors que la demande repart à la hausse dans la plupart des marchés. « L’industrie risque de ne plus pouvoir recruter suffisamment vite pour faire voler toutes les flottes », souligne un rapport de l’EASA. Les compagnies aériennes doivent désormais embaucher environ 6 000 pilotes par an alors que les écoles de pilotage européennes n’en forment qu’un quart, aggravant le déséquilibre à moyen terme.​

Face à cette tension, la rémunération des pilotes connaît une très forte progression. Les chiffres de l’EASA et d’études de cabinets spécialisés montrent que les premiers officiers nouvellement qualifiés gagnent aujourd’hui entre 40 000 et 55 000 euros par an, tandis qu’un commandant expérimenté touche en moyenne 120 000 à 150 000 euros. Pour les plus anciens sur vols long-courrier et dans les marchés à coût de vie élevé (Royaume-Uni, Suisse, Allemagne), les salaires dépassent jusqu’à 280 000 euros, voire 300 000 euros en incluant primes et avantages.​

Low cost et compagnies traditionnelles : rapprochement salarial
Les low cost comme Ryanair ou easyJet n’hésitent plus à offrir des salaires et des évolutions rapides proches des compagnies aériennes traditionnelles. Chez Ryanair, les commandants atteignent aujourd’hui 150 000 euros hors primes, contre environ 90 000 il y a dix ans. Les bonus, indemnités journalières défiscalisées et assurances spécialisées peuvent ajouter plusieurs dizaines de milliers d’euros au paquet annuel. Le phénomène se confirme chez easyJet et Wizz Air, où des campagnes de recrutement massives s’accompagnent de conditions améliorées.​ « La pénurie a clairement dynamisé les négociations salariales. On voit des hausses inédites sur tous les segments, y compris chez les compagnies low cost », confirme un pilote chez une compagnie aérienne à bas prix.

Formation, obstacle majeur
Malgré cette attractivité nouvelle, la formation reste un obstacle de taille. Devenir pilote en Europe exige de financer une formation allant de 80 000 à 150 000 euros et de s’engager dans trois années intensives. Ces coûts, associés à une limitation des places dans les écoles, contribuent à ralentir le renouvellement des effectifs.​ « La filière ne produit qu’un quart des pilotes dont le secteur a besoin chaque année, un goulet d’étranglement qui nourrit la pénurie actuelle », résume un responsable de formation chez Easy EASA.

La situation devrait perdurer, les compagnies rivalisant désormais pour attirer et fidéliser les pilotes expérimentés, un enjeu clef alors qu’une vague de départs à la retraite est attendue d’ici 2030. « Nous entrons dans une nouvelle ère où les négociations collectives des pilotes et la capacité à financer la formation détermineront la compétitivité des compagnies européennes », déclare un membre de l’European Cockpit Association (EAC), cité par The Brussels Times.

Mise à jour : à la suite de la publication de notre article, l’APNA, association à but non lucratif accompagnant les pilotes vers l’emploi, a tenu à apporter son point de vue. Selon elle, « les compagnies aériennes ne manquent pas de postulants à leurs sélections — leurs viviers sont non seulement constitués, mais parfois saturés[…] Ce dont les compagnies aériennes manquent, ce sont de pilotes expérimentés, qualifiés sur les avions qu’elles exploitent. Assimiler cette réalité à une pénurie de pilotes est une confusion majeure, qui entretient un discours trompeur ». Les écoles formant assez de candidats au métier de pilote. L’association reconnaît toutefois qu’il existe « un goulot d’étranglement dans les capacités de formation en interne » chez les compagnies aériennes pour former les jeunes pilotes en pilotes expérimentés, mais pas dans les écoles de formation.

L’aviation européenne confrontée à une pénurie persistante de pilotes qualifiés 1 Air Journal

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