Corsair vient d’obtenir un feu vert décisif de Bruxelles pour son plan de restructuration, avec à la clé près de 168  millions d’euros d’aides publiques françaises jugées compatibles avec les règles de concurrence de l’Union européenne.

Ce soutien, assorti de conditions strictes, doit permettre à la compagnie de consolider son redressement financier tout en préservant la desserte des Outre-mer et de plusieurs destinations africaines essentielles pour les voyageurs loisirs et VFR (visiting friends and relatives).

Selon la Commission européenne, le plan prévoit un total de 167,8  millions d’euros d’aides de l’État français, combinant l’annulation de 80 millions d’euros de dettes issues du dispositif approuvé en 2020 et un financement complémentaire de 87,8 millions d’euros. L’exécutif européen estime que ce montage « garantit le retour de Corsair à une viabilité à long terme d’ici la fin de la période de restructuration », à condition que les mesures correctrices prévues soient effectivement mises en œuvre.

Aide de l’État : ce que Bruxelles a validé

Cette décision intervient après un premier feu vert accordé fin 2020, dans le contexte de la crise du Covid‑19, pour un plan de soutien de 136,9 millions d’euros, que la France a ensuite dû revoir et renforcer fin 2023 face à la persistance des difficultés du secteur long‑courrier. La Commission a mené une enquête approfondie sur ce plan amendé, avant de conclure qu’il répondait aux lignes directrices européennes sur les aides à la restructuration, dans un marché aérien toujours fragile pour les transporteurs de taille intermédiaire.

Pour limiter les distorsions de concurrence, Bruxelles impose une série de contreparties, parmi lesquelles une « réduction des rotations de vols et la libération de créneaux » dans certains aéroports. Concrètement, Corsair devra renoncer à une partie de ses possibilités de vols, notamment sur des plages horaires attractives, afin de laisser de la place à des concurrents potentiels, en particulier sur les axes les plus disputés.

Corsair mise sur son programme de vols directs vers l’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion) et l’Afrique, avec au moins une rotation quotidienne sur chaque destination et jusqu’à deux en haute saison. Elle demeure la seule compagnie à relier directement les Antilles, la Réunion et la province.

Ces contraintes s’ajoutent à celles déjà attachées au plan initial de 2020, qui encadraient la taille de la flotte, l’arrêt de certaines routes déficitaires et la sortie des anciens Boeing au profit d’une flotte recentrée sur l’Airbus A330. Pour les passagers, l’impact devrait rester limité sur les grandes liaisons structurantes vers les Antilles, l’océan Indien ou l’Afrique de l’Ouest, mais la compagnie devra optimiser son programme en privilégiant les vols les plus porteurs en termes de remplissage et de recettes unitaires.

Un nouvel actionnariat emmené par Abbas Jaber

L’approbation de Bruxelles ouvre la voie à une recomposition capitale de l’actionnariat de Corsair, annoncée dès septembre 2024 mais suspendue à la décision européenne. Le PDG du groupe agro‑industriel Advens, Abbas Jaber, doit devenir l’actionnaire de référence avec 40 % du capital, aux côtés d’un consortium d’entrepreneurs en majorité ultramarins (52 %) et d’une société d’économie mixte du département de la Guadeloupe (8 %).

Ce schéma consolide l’ancrage ultramarin de la compagnie tout en apportant des capitaux privés supplémentaires et un pilotage entrepreneurial présenté comme de long terme. Pour les territoires desservis, du Pacifique à l’Atlantique en passant par l’océan Indien, cette stabilisation de l’actionnariat est perçue comme un signal positif pour la continuité des liaisons aériennes, un enjeu crucial pour le tourisme, l’économie locale et le lien avec la métropole.

Stratégie de montée en gamme et flotte A330neo

En parallèle du dossier d’aides publiques, Corsair affiche des résultats en nette amélioration, avec un bénéfice net 2024‑2025 plus que décuplé, que la direction présente comme la validation de sa stratégie de montée en gamme et de renouvellement de la flotte. La compagnie a achevé la transition vers une flotte homogène d’Airbus A330, dont des A330neo plus économes en carburant, mieux adaptés aux longues liaisons vers les Outre‑mer, l’océan Indien et l’Afrique de l’Ouest.

Cette modernisation permet de réduire les coûts d’exploitation par siège, de diminuer l’empreinte carbone et d’améliorer le confort en cabine, trois éléments clés pour rester compétitif face à Air France, aux low‑cost long‑courrier ponctuelles et aux transporteurs étrangers positionnés sur ces marchés loisirs en forte saisonnalité. Corsair mise également sur une montée en gamme de son produit à bord et au sol, avec une offre de classes différenciées, pour séduire à la fois les clientèles loisirs premium et les voyageurs d’affaires de niche sur certaines lignes.

Pour les passagers, l’approbation du plan de restructuration signifie avant tout la poursuite des opérations de Corsair sur ses axes historiques, notamment Paris‑Orly – Antilles, océan Indien et Afrique de l’Ouest, qui constituent une alternative importante en termes de tarifs, de fréquences et de services. Le maintien d’un acteur long‑courrier français de taille intermédiaire contribue à limiter la concentration du marché et à préserver une certaine pression concurrentielle sur les prix, en particulier en haute saison vers les destinations ultramarines.

À moyen terme, les restrictions imposées sur les rotations et les créneaux pourraient néanmoins réduire la flexibilité de Corsair pour ouvrir de nouvelles lignes ou densifier son offre sur certaines périodes.

Corsair : la Commission européenne valide le plan de restructuration et l’entrée d’Abbas Jaber au capital 1 Air Journal

@Corsair