Les enquêteurs ont récupéré les deux boîtes noires du Boeing 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines qui s’est écrasé dimanche, la compagnie aérienne comme plusieurs autres de par le monde ayant décidé de suspendre les vols de ce type d’appareil jusqu’aux résultats préliminaires de l’enquête. La FAA considère toujours les 737 MAX comme aptes à voler, mais demande à Boeing d’accélérer le déploiement de son nouveau logiciel anti-décrochage.

La compagnie nationale éthiopienne a annoncé le 11 mars 2019 avoir retrouvé l’enregistreur des données de vol (FDR) et celui des voix du cockpit (CVR) du 737 MAX 8 qui opérait la veille le vol ET302 entre sa base à Addis Abeba-Bole et l’aéroport de Nairobi-Jomo Kenyatta, et s’est écrasé peu après son décollage, entrainant la mort des 157 personnes à bord. Si au moins une des boîtes noires apparait endommagée, leur examen devrait permettre aux enquêteurs de confirmer ou infirmer les premières théories sur l’accident, en particulier les données radar publiées entre autres par Flightradar24 qui indiquaient une vitesse et une altitude « erratiques » – des circonstances apparemment similaires au crash du vol JT610 de la low cost Lion Air en octobre dernier à Jakarta.

On devrait aussi savoir qui était aux commandes durant les six minutes suivant le décollage du vol ET302, entre le commandant de bord Yared Getachew (plus de 8000 heures de vol à son actif selon Ethiopian Airlines, devenu comandant de bord sur 737 en novembre 2017) et le copilote Ahmed Nur Mohammod (200 heures de vol). Le CEO du groupe Tewolde Gebremariam a déclaré en conférence de presse que les pilotes avaient demandé à faire demi-tour après avoir rencontré des « difficultés », ce que le contrôle aérien avait accepté avant de perdre le contact. Le 737 MAX 8 était arrivé à Addis Abeba dimanche dans la matinée, de retour de Johannesburg – un vol apparemment sans incident ; son dernier examen de maintenance « rigoureux » remontait au 4 février, et l’avion avait accumulé plus de 1000 heures de vol en service commercial avant l’accident.

Ethiopian Airlines a dès hier annoncé l’immobilisation de ses cinq MAX 8 (sur 30 commandés) en attendant le rapport d’enquête préliminaire, un exemple suivi dans la foulée par la Chine (97 MAX en service en particulier chez Air China, China Eastern, China Southern, Hainan Airlines, Xiamen Air, Shenzhen Airlines ou Shandong Airlines) « en ligne avec le principe de tolérance zéro pour les dangers à la sécurité des vols », et par Cayman Airways. Durant la journée, la liste s’est allongée : l’Indonésie a cloué au sol les onze MAX en service par Lion Air donc et par Garuda Indonesia, et Singapour a annoncé ce mardi matin leur interdiction dans son espace aérien (y compris ceux de SilkAir donc), mais aucun autre pays n’a annoncé des mesures aussi drastiques. Selon Flightglobal, 371 Boeing 737 MAX 8 et MAX 9 étaient entrés en service le 11 mars chez 54 opérateurs, dont 72 appareils aux Etats-Unis, 40 au Canada et 13 en Inde comme en Turquie et aux Emirats Arabes Unis.

Côté opérateurs, Royal Air Maroc, Comair en Afrique du Sud, Aeromexico et Mongolian Airlines ont aussi suspendu l’utilisation de leurs monocouloirs remotorisés, mais l’immense majorité attend d’en savoir plus. Y compris Air Canada et WestJet, Transport Canada soulignant que des formations supplémentaires des pilotes ont suivi le crash de Lion Air, ou Norwegian, TUI Fly, Air Italy, LOT Polish Airlines, Enter Air, S7 Airlines et Icelandair en Europe. American Airlines, United Airlines et Southwest aux USA, GOL, Copa Airlines et Aerolineas Argentinas en Amérique latine, Turkish Airlines, Flydubai aux EAU, SpiceJet et Jet Airways (“aucun n’opère de vols actuellement” selon un porte-parole) en Inde, Fiji Airways ou Thai Lion Air  entre autres continuent pour l’instant d’utiliser leurs 737 MAX.

Crash Ethiopian Airlines : boites noires retrouvées, 737 MAX immobilisés 1 Air JournalLa FAA américaine a confirmé hier que les Boeing 737 MAX 8 étaient « aptes au vol » (airworthiness), tout en appelant le constructeur à déployer d’ici avril les « modifications de design » étudiées depuis le crash de Lion Air. Boeing a confirmé dans un communiqué que « dans les prochaines semaines », une mise à jour du logiciel du système MCAS  sera déployée qui « rendra cet avion sûr encore plus sûr ». La directive de la FAA rappelle qu’il est trop tôt dans l’enquête pour « tirer des conclusions ou agir », mais a promis des actions immédiates si de nouveaux éléments compromettant la sécurité des vols étaient révélés.

Rappelons que le rapport préliminaire sur le crash de Lion Air, publié fin novembre, expliquait que le 737 MAX 8 indonésien avait rencontré des problèmes d’instruments affichant des lectures inexactes provenant des capteurs d’incidence (AoA, Angle of Attack). La formation des pilotes au nouveau système MCAS anti-décrochage avait été mise en cause par des syndicats de pilotes américains, Boeing émettant un bulletin rappelant les procédures à suivre « pour gérer les cas dans lesquels l’information d’un capteur AOA est erronée ». La FAA américaine avait émis dans la foulée une directive concernant les 246 737 MAX alors en service, demandant aux opérateurs de mettre à jour le manuel de vol (AFM) pour fournir à l’équipage « les procédures de compensation du stabilisateur horizontal à suivre dans certaines conditions ».

Si certains mettent déjà en cause l’indépendance de la FAA vis-à-vis de Boeing, d’autres appellent aussi l’Ethiopie à une transparence complète, rappelant son refus des conclusions de l’enquête sur son dernier accident mortel en 2010 quand un 737-800 s’était écrasé en mer peu après son départ de Beyrouth (vol ET409, 90 victimes, l’erreur de pilotage officielle étant contestée). Le plus grave accident de l’histoire d’Ethiopian Airlines restait jusqu’à dimanche le détournement d’un 767-200ER en novembre 1996 (vol ET961), 125 des 175 personnes à bord trouvant la mort quand l’appareil avait tenté d’amerrir.  

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