Un collectif d’associations demande au gouvernement de plafonner le trafic à l’aéroport de Roissy à 440.000 vols par an, pour participer à la lutte contre la pollution sonore et plus largement le changement climatique.

Citant l’exemple de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol où le plafonnement annoncé fin juin était justifié par la lutte contre les nuisances sonores, la quarantaine d’associations, collectifs et ONG dont ADVOCNAR, Greenpeace ou Réseau action climat (liste complète en fin d’article), a publié le 29 aout 2022 une lettre ouverte à la Première ministre Elisabeth Borne, commençant ainsi : « Il y a quelques semaines, les Pays-Bas ont pris une décision historique : plafonner le trafic de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol à 440 000 mouvements par an, en dessous du niveau de 2019, pour protéger les riverains exposés à des niveaux de bruit élevés délétères pour leur santé. Cette résolution va dans le sens des directives et règlements européens sur la réduction des pollutions sonores et chimiques autour des aéroports, et des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation ». Rappelons qu’en 2019, Paris-CDG avait accueilli 76,15 millions de passagers, contre 71,7 millions pour Amsterdam-Schiphol.

Les associations, qui s’étaient déjà manifestées sur le sujet début juillet, citent le ministre néerlandais Mark Harbers selon qui un « nouvel équilibre » est nécessaire « entre l’importance d’un bon aéroport international, d’un bon climat d’affaires et l’importance d’un environnement de vie meilleur et plus sain ». Mais aussi le Parlement des Pays-Bas qui estimait alors : « avec ce nombre de vols, Schiphol peut maintenir son réseau international de destinations ». « Sachant que l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle connaît un trafic similaire à celui de Schiphol (500.000 mouvements par an environ en 2019), nous demandons que, à l’exemple de Schiphol, le trafic à Roissy soit plafonné à 440 000 mouvements par an. Ce plafonnement doit être associé à d’autres mesures préconisées depuis des années par les associations : couvre-feu nocturne, procédures opérationnelles de moindre bruit, suppression des avions les plus bruyants… ».

Aujourd’hui, « 1,4 million de Franciliens sont exposés à un niveau de bruit dépassant les valeurs-guide de l’OMS, et jusqu’à trois années de vie en bonne santé sont perdues sous les couloirs aériens de Roissy. Le grave impact sanitaire du bruit aérien est désormais démontré par une étude scientifique conduite à l’échelle nationale. L’Etat ne peut cautionner une telle situation et doit agir pour préserver la santé des Franciliens ».

Un plafonnement à 440.000 mouvements par an à Roissy « serait également une étape importante dans la lutte contre le changement climatique, qui a durement frappé la France cet été. En effet, Roissy pèse lourdement dans le bilan carbone de notre pays: près de 4% de nos émissions de CO2! Et beaucoup plus si on intègre – comme nous devrions le faire – l’effet sur le climat des traînées de condensation et des oxydes d’azote émis en altitude ». Comme le souligne le nouveau rapport du Haut Conseil pour le climat, le secteur aérien doit engager sa décarbonation « par la maîtrise de la demande », car les progrès technologiques et les carburants alternatifs « ne suffiront pas dans les délais requis. C’est aussi ce que démontrent plusieurs études récentes réalisées par des acteurs du secteur aérien ».

Pour respecter les objectifs climat de l’accord de Paris et contribuer aux efforts de sobriété, une réduction progressive du trafic aérien à l’échelle nationale (et internationale) est indispensable – réduction qui doit s’accompagner de mesures d’équité sociale et de préservation de l’emploi , poursuivent les associations. « Un plafonnement et une trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre par aéroport sont également nécessaires, car limiter uniquement le nombre de vols ne serait pas à même d’empêcher l’accroissement des émissions induites par une augmentation de la taille des avions et des distances parcourues ».

Les associations « sont à votre disposition pour engager des discussions avec les acteurs de la plateforme de Roissy afin de mettre en place cette première mesure nécessaire pour préserver la santé des riverains mais aussi le climat, alors que le président de la République, M. Emmanuel Macron, a annoncé vouloir faire de la France une grande nation écologique ».

Associations signataires: ADVOCNAR (Roissy), collectif Non au T4 (Roissy), France Nature Environnement Ile-de-France, Greenpeace, Réseau action climat, Notre affaire à tous, Alternatiba, ANV-COP21, les Amis de la Terre, UFCNA, Rester sur Terre (Stay Grounded), France Nature Environnement Seine-et-Marne, les Amis de la Terre Val-d’Oise, collectif Santé Nuisances aériennes, Val-d’Oise Environnement, Dirap (Pontoise-Cormeilles-Roissy), Onasa (Roissy), MNLE 93 et Nord-Est parisien, Cirena (Roissy), Arec (Roissy), SOS Vallée de Montmorency, CPTG, Adera (Beauvais-Tillé), Alerte nuisances aériennes (Orly), Drapo (Orly), Oye 349 (Orly), Corias (Lyon-Saint-Exupéry), Nada (Lille-Lesquin), Adra (Bâle-Mulhouse), CCNAAT (Toulouse-Blagnac), Alternatiba Rennes, collectif Stop extension aéroport de Marseille, Halte hélico, Seve (Orly), Atecopol, collectif Pensons l’aéronautique pour demain, collectif de salariés de l’aéronautique Icare, coordination CGT de l’aéronautique.

Réguler les jets privés
La régulation de l’aviation privée, bien plus polluante que l’aviation commerciale (*), devient également un débat national. Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, veut « agir et réguler les vols en jet privé ». Julien Bayou, député et secrétaire national d’EELV, demande carrément l’interdiction des jets privés.

Malgré la polémique, le nombre de vols en jets privés a bondi cet été, en France comme en Europe. Selon BFMTV, les aéroports parisiens ont enregistré une hausse de 43 % des vols en jets privés en juillet 2022 par rapport à juillet pré-pandémique de 2019. Une augmentation qui atteint même 37 % à Londres et 73 % à Amsterdam. En moyenne, le nombre de vols en jets privés a augmenté de 30 % en Europe, par rapport à 2019. Plus globalement, le nombre de personnes ayant voyagé en jet pour la première fois a augmenté de 40 % en 2022.

Pour décarboniser l’aviation privée, Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du Monde et président de l’Office du tourisme et des congrès de Paris, suggère d’«imposer sous 5 ans l’utilisation obligatoire des carburants de synthèse à ces jets privés. Certes, cela triplerait les coûts mais ils en ont les moyens. Surtout, cela émettrait zéro émission de CO2 et permettrait de développer la filière! Franchement quoi de mieux? »

« On devrait mettre une taxe européenne de décollage pour les avions privés au profit du reboisement. Si ce mode de transport devient trop cher pour les milliardaires et les clubs de football… ils pourraient toujours prendre un vol low-cost à 150€. Bourse-Des-Vols sera ravi de les leur vendre. Sommes spécialistes du bon service à petit prix», ironise Fabrice Dariot, patron de l’agence spécialiste depuis 25 ans des vols pas chers.

(*) Les jets privés sont « 5 à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux (par passager) et 50 fois plus polluants que les trains », selon l’ONG Transport&Environment

Paris-CDG : les associations demandent un plafonnement du trafic 1 Air Journal

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