Le constructeur aéronautique brésilien Embraer fait face à un mouvement social illimité lancé mercredi par le syndicat des métallurgistes de São José dos Campos, berceau de son siège et de ses principales chaînes d’assemblage de jets commerciaux.

Les salariés réclament une hausse générale des salaires, dénonçant « le refus de l’entreprise d’appliquer une augmentation réelle des revenus ». La direction d’Embraer, troisième avionneur mondial derrière Airbus et Boeing, affirme toutefois que ses usines fonctionnent normalement. Le syndicat Sindmetal São José dos Campos soutient au contraire que la grève bloque la production. Selon ses responsables, les négociations avec la fédération patronale Fiesp n’ont abouti qu’à des propositions limitées à une indexation sur l’inflation, assorties de concessions sociales, notamment la réduction des garanties pour les salariés accidentés.

La première offre patronale, fixant une hausse des salaires à 5,05 %, a été rejetée la semaine dernière. Les ouvriers exigent un relèvement de 11 %. Une contre-proposition légèrement supérieure, à 5,5%, a également été refusée mercredi. « L’usine bat des records de rentabilité, de chiffre d’affaires et de carnet de commandes. Il est temps que ceux qui travaillent en production en bénéficient », a déclaré Herbert Claros, représentant syndical.

Cette mobilisation intervient alors qu’Embraer cherche à accélérer ses cadences pour atteindre ses objectifs annuels : 77 à 85 livraisons de jets commerciaux en 2025, après seulement 26 appareils remis au premier semestre. L’avionneur profite actuellement d’une demande soutenue pour ses E-Jets et E2, qui lui a permis d’atteindre plus tôt dans l’année un record historique en Bourse.

Les tensions sociales chez Embraer rappellent les conflits salariaux qui ont touché récemment d’autres géants du secteur. En 2024, la division avions commerciaux de Boeing a connu une grève historique : après le rejet par 94,6 % des salariés d’un accord salarial (+25 % sur quatre ans), plus de 33  000 techniciens en aéronautique de l’IAM se sont mis en grève de mi-septembre à début novembre, paralysant les sites majeurs d’Everett et Renton à Seattle. La production des 737, 777 et 767, ainsi que des appareils civils dérivés militaires (KC-46, P-8), a été largement interrompue. Le conflit s’est achevé après l’acceptation, à 59 % des voix, d’un nouvel accord comprenant +38 % de hausse salariale sur quatre ans, ainsi qu’un bonus de ratification pouvant atteindre 12 000 dollars par employé. Cet accord a mis fin à un débrayage de plus de sept semaines, qui a coûté, selon certaines estimations environ 10 milliards de dollars à l’avionneur et ses fournisseurs.

En Europe, les salariés britanniques d’Airbus (plus de 3 000 ouvriers et techniciens aéronautiques, syndiqués Unite) ont voté à 90 % pour la grève après le rejet d’une offre salariale jugée insuffisante face à l’inflation et à la rentabilité record du groupe, notamment à Broughton (ailettes d’avions) et Filton (conception), où les syndicats dénonçaient les disparités salariales avec les autres sites européens, ainsi que des inquiétudes liées au Brexit. Le mouvement a été suspendu fin août, suite à une « amélioration » de la proposition salariale d’Airbus et un accord sur le versement d’un bonus exceptionnel. Les syndicats ont décidé de consulter les salariés entre le 12 et le 19 septembre. Unite prévenait que, si cette nouvelle offre était refusée, la grève reprendrait dès les 23 et 24 septembre.

En mai 2024, les ouvriers canadiens de la FAL A220 à Mirabel (Québec) ont accepté un nouveau contrat de travail de cinq ans qui comprend une augmentation de salaire de 23 % et de meilleures conditions de travail, permettant à Airbus d’avoir les mains libres pour augmenter les cadences de production, avec un objectif de 14 A220 livrés tous les mois (répartis entre son usine à Mirabel et celle à Mobile, en Alabama aux Etats-Unis).

L’onde de choc sociale qui traverse l’industrie aéronautique met en évidence la tension croissante entre la forte rentabilité des avionneurs, portée par une demande mondiale soutenue, et les attentes des salariés mobilisés pour un meilleur partage des profits.

Embraer : les métallurgistes en grève pour réclamer une augmentation des salaires 1 Air Journal

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