Le détournement par la Biélorussie d’un avion de Ryanair pour arrêter le journaliste d’opposition Roman Protasevich continue de faire des remous en Europe : un troisième vol d’Air France vers Moscou est annulé ce vendredi, à la « surprise » du syndicat de pilotes SNPL, et l’EASA recommande aux opérateurs d’éviter le survol du pays. Basée à Minsk, Belavia ne vole plus vers l’ouest.

Toujours plus d’impact pour les passagers européens après l’incident du vol FR4978 de Ryanair, parti dimanche d’Athènes et « dérouté » sous prétexte d’alerte à la bombe (afin d’arrêter Roman Protasevich et l’étudiante Sofia Sapega qui voyageait avec lui) : Air France a annulé ce 28 mai 2021 pour un troisième jour consécutif son vol AF1154 entre Paris-CDG et l’aéroport de Moscou-Sheremetyevo, qui devait être assuré en Airbus A319. Les rotations de mercredi et jeudi (en Boeing 787-9) avaient subi le même sort, et ce vendredi matin Air France affiche aussi un « départ retardé » pour le vol AF4898 opéré en partage de codes par Aeroflot sur la même route (SU2455, qui a bien décollé jeudi après-midi).

Ces annulations de vol sont officiellement dues à « des raisons opérationnelles liées au contournement de l’espace aérien biélorusse, nécessitant une nouvelle autorisation des autorités russes pour entrer sur leur territoire », expliquait Air France qui avait confirmé mardi qu’elle ne survolera plus la Biélorussie « jusqu’à nouvel ordre ». Le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a appelé hier la Russie à respecter « le principe de réciprocité » régissant les relations bilatérales.

La même mésaventure est arrivée hier à un vol d’Austrian Airlines entre Vienne et Moscou-Domodedovo : son A320 n’a pu opérer le vol OS601, la Russie ayant selon la compagnie autrichienne rejeté le nouveau plan de vol évitant la Biélorussie (ce départ reste programmé aujourd’hui selon Floightradar24). « Les autorités russes ne nous ont pas donné cette autorisation », a déclaré une porte-parole à l’agence Interfax. Le ministère autrichien des Affaires étrangères a déclaré que la position de Moscou était « absolument incompréhensible », et a critiqué l’interdiction comme une « réponse disproportionnée ».

Le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) a déclaré hier être « plus que surpris d’apprendre que des vols à destination de la Russie, opérés par des compagnies françaises, ont dû être annulés ces derniers jours faute d’avoir obtenu formellement des autorités russes l’autorisation opérationnelle nécessaire ». Suite à la demande des autorités françaises, ces compagnies doivent, « pour pouvoir continuer à opérer certains vols, construire des routes alternatives à celles passant par l’espace aérien du Bélarus initialement prévues et autorisées. Elles ont demandé, selon une procédure classique habituelle, des modifications de plans de vol notamment aux autorités russes pour pouvoir assurer les vols entre la France et la Russie ».

Mais alors qu’habituellement les réponses à ce type de demandes de modifications sont instantanément acceptées selon le syndicat, « là depuis 2 jours, c’est silence radio…ces vols ont donc dû être annulés, faute d’autorisation formelle de survol de l’espace aérien russe. Le SNPL s’étonne de ce manque de réactivité des autorités russes et espère qu’une situation normale sera rapidement rétablie entre les différents intervenants, afin d’assurer une visibilité aux voyageurs quant à leur vol réservé, tout en préservant leur sécurité. Le SNPL demande en conséquence que tout soit mis en œuvre par les autorités, et que le droit international soit respecté, pour que les compagnies aériennes françaises puissent continuer à assurer leurs dessertes vers la Russie ».

Détournement de Ryanair : Air France, SNPL, EASA et Belavia 1 Air Journal

@Wikipedia – Vasyatka

L’appel du Conseil européen à fermer son espace aérien et interdire les vols vers et depuis la Biélorussie, avait été relayé par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) : un bulletin d’information spécial (SIB) du 25 mai demande aux compagnies aériennes des 27 membres de l’UE et celles de la Suisse, de la Norvège et le Liechtenstein « d’éviter les opérations dans la FIR Minsk (UMMV), sauf si l’utilisation de cet espace aérien est jugée nécessaire pour assurer un fonctionnement sûr en cas de circonstances imprévues » (la demande est la même pour les opérateurs de pays tiers agréés par l’agence lorsqu’ils mènent des opérations vers, depuis et à l’intérieur l’UE). Et ce en attendant « la finalisation d’une enquête internationale sur l’incident survenu le 23 mai », enquête annoncée jeudi à Montréal par l’OACI. L’agence onusienne rappelait la veille n’avoir aucun mandat de punition : « notre agence ne s’est jamais vu confier ce type de rôle ou de capacité, et notre fonction principale est d’aider les pays à coopérer diplomatiquement sur les priorités de l’aviation internationale… ».

Rappelons que le Royaume-Uni avait été le premier pays à interdire les vols et vers la Biélorussie lundi dernier. Depuis, il a été imité par la France donc, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, la République tchèque, l’Ukraine (son survol par Belavia est autorisé), la Suède, la Finlande et la Slovaquie (survol des vols cargo autorisé).

L’impact le plus durement ressenti reste celui sur Belavia, la compagnie nationale basée à l’aéroport de Minsk qui n’est pas impliquée dans l’incident : jusqu’au 30 octobre prochain, tous ses vols sont annulés vers huit villes européennes supplémentaires, en plus de Paris et Londres (Varsovie, Milan, Amsterdam, Rome, Francfort, Berlin, Munich, Hanovre, Vienne, Bruxelles et Barcelone). Et vers Kaliningrad, dans l’enclave russe entre Pologne et Lituanie qui lui interdisent l’entrée dans leur espace aérien. « Nous regrettons que nos passagers soient confrontés à cette situation pour des raisons indépendantes de la volonté de la compagnie aérienne », a déclaré Belavia dans un communiqué en ligne annonçant ces suspensions de routes.

Détournement de Ryanair : Air France, SNPL, EASA et Belavia 2 Air Journal

©Belavia