Des pilotes de la compagnie aérienne Qatar Airways l’accusent de sous-estimer les heures travaillées et d’ignorer leurs plaintes sur la fatigue, tandis que chez Qantas trois-quarts des hôtesses de l’air et stewards se disent prêts à démissionner si leur convention de travail est modifiée.

Plusieurs pilotes de Qatar Airways, la compagnie nationale qatarie basée à l’aéroport de Doha, ont affirmé à l’agence Reuters être « épuisés » par les heures de travail entrecoupées par des périodes de repos trop courtes, et accusent leur employeur de mettre en péril la santé du personnel. Un copilote décrit comment il s’est « endormi pendant la descente avec 400 passagers à bord », l’atterrissage à Doha se passant néanmoins sans problème (le vol le plus long de Qatar Airways culmine à environ 17h30 sur le retour d’Auckland NDLR) ; « Vous ne pouvez rien faire. Votre corps ne demande que du repos. Vous ressentez la douleur à l’intérieur de votre poitrine et vous êtes incapable de garder les yeux ouverts », a-t-il raconté.

Deux autres copilotes disent avoir enregistré plus de 115 heures de vol au cours des deux premières semaines de janvier. Certains ont déposé des rapports sur la fatigue mais la compagnie aérienne les aurait ignorés, quand d’autres ne l’auraient pas fait de peur de représailles alors que des milliers d’employés ont été licenciés durant la pandémie de Covid-19. Le rapport 2020 de Qatar Airways sur la fatigue souligne d’ailleurs que 90% de ses pilotes n’avaient pas déposé de rapport sur le sujet durant l’année, la moitié « par manque de confiance ».

Interrogée par Reuters, la compagnie de l’alliance Oneworld a répondu via un porte-parole qu’elle « s’assure que le temps de repos et les besoins en matière d’affectation de nos équipages de conduite sont strictement équilibrés avec les exigences opérationnelles de la compagnie aérienne, en particulier compte tenu des défis uniques auxquels est confronté le secteur mondial de l’aviation commerciale ». Qatar Airways, dont le réseau est descendu à 33 destinations au plus fort de la crise sanitaire avant de dépasser de nouveau les 140, a déclaré qu’elle s’efforce de mettre en place « le programme de gestion des risques de fatigue le plus rigoureux ».

Ce problème de fatigue des pilotes, et des risques que cela peut entrainer sur la sécurité des vols et des passagers, n’est pas nouveau : en 2019 en Europe, des syndicats de pilotes avaient fustigé les règles de limitations de temps de vol (FTL), après une étude de l’EASA auprès de 24 compagnies aériennes montrant que malgré une récente législation européenne, ils étaient confrontés à des niveaux de fatigue inhabituellement élevés et incompatibles avec un niveau de sécurité de vol acceptable.

En Australie, c’est le personnel de cabine des vols internationaux long-courrier de Qantas qui n’en peut plus : 74% des 1300 PNC interrogés par la Transport Workers Union (TWU) et l’Association des agents de bord d’Australie (FAAA) disent être prêts à démissionner si la convention collective actuelle est révoquée. Pour la première fois depuis un siècle, la compagnie nationale a en effet demandé sa résiliation à la Fair Work Commission (qui doit étudier le dossier à partir d’avril), suite à l’échec des négociations avec les syndicats. TWU et FAAA estiment que les propositions de la direction entraineront des réductions de salaires (jusqu’à 37% pour certains PNC) mais aussi l’augmentation du temps de standby, qui oblige les hôtesses de l’air et stewards à être disponibles sous 90 minutes.

Leur enquête a révélé que plus de 90% des PNC interrogés ont voté contre la proposition en raison de son impact sur l’équilibre travail/vie personnelle, 80% craignant de devoir travailler « plus d’heures pour moins d’argent ». 61% des répondants ont déclaré qu’ils auraient besoin de passer au temps partiel ou de quitter leur emploi « pour gérer la garde des enfants ou d’autres responsabilités familiales », et 80% craignent que la fatigue « n’altère leur capacité à répondre à une urgence ».

Qantas souhaite simplifier des conditions d’affectation complexes et historiques pour les PNC LC, dont une des conséquences est que 20% d’entre eux ne peuvent être utilisés que sur un seul type d’avion, une restriction jugée impossible par la compagnie après la pandémie (qui l’a privée de vols long-courriers pendant de longs mois). Et elle rappelle que ses employés affectés durant la crise ont touché « des centaines de millions de dollars » en aides publiques.

« Demander la résiliation de l’accord actuel est la dernière chose que nous souhaitons, mais nous sommes coincés entre le marteau et l’enclume. Notre meilleure offre, qui incorporait plusieurs revendications syndicales, a été rejetée par 97% des votants », a déclaré le CEO de Qantas International, Andrew David. « Nous demandons la résiliation parce que nous ne pouvons pas gérer efficacement notre entreprise sans les changements de roster dont nous avons désespérément besoin pour redémarrer correctement notre réseau international dans un monde post-Covid », a-t-il ajouté. La résiliation permettrait selon lui de revenir à des « pratiques normales » le temps de négocier une nouvelle convention collective.

Ce à quoi un des dirigeants de TWU a répondu : « Cette équipe de direction de Qantas n’aura pas de repos tant que chaque travailleur syndiqué ne sera pas chassé par la force, la peur ou la famine »…

Ca grince chez les pilotes de Qatar Airways et les PNC de Qantas 1 Air Journal

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