Adopté discrètement en plein été, le Décret 2025-772 bouleverse les droits des voyageurs aériens en France. L’APRA et les magistrats dénoncent un texte qui complique l’accès à la justice et fragilise l’indemnisation des passagers, en contradiction avec le droit européen.
Après les alertes lancées par des associations de consommateurs et les syndicats de magistrats, c’est au tour de l’Association pour les droits des passagers aériens (APRA), qui revendique représenter plusieurs millions de voyageurs en Europe, de monter au créneau. Pour l’organisation, ce nouveau texte constitue « un dangereux retour en arrière » pour la protection des passagers et une remise en cause de vingt ans de progrès obtenus sous l’impulsion du Règlement européen 261/2004.
Le décret français, publié le 5 août au Journal officiel, a surpris par son calendrier : il est intervenu au cœur des vacances, alors que l’attention médiatique et politique était largement détournée. Officiellement, le gouvernement le présente comme une mesure d’« amélioration de la résolution des litiges » entre voyageurs et compagnies aériennes. Dans les faits, il instaure de nouvelles conditions à l’exercice du droit à indemnisation pour les passagers confrontés à des retards, annulations ou surbookings.
Parmi ses mesures phares, figurent une médiation obligatoire avant tout recours au juge, la fin de la gratuité des procédures avec l’introduction d’actes de signification judiciaire, l’interdiction des actions collectives, et une complexité procédurale accrue.
« Notre expérience montre que ce décret n’améliore rien : il va retarder encore l’accès des voyageurs à la justice, décourager les réclamations légitimes et compliquer des procédures qui étaient jusqu’ici relativement accessibles », estime l’APRA.
Au-delà de ses effets immédiats, l’organisation rapproche le décret français des discussions en cours à Bruxelles autour d’une révision du Règlement 261/2004. La Commission européenne doit présenter un projet d’ici la fin de l’année, incluant notamment une réduction du champ des indemnisations et la possibilité de tolérer des retards allant jusqu’à six heures sans compensation. Pour l’APRA, « ces similitudes traduisent une stratégie coordonnée pour rogner des droits durement acquis et affaiblir la protection des voyageurs ».
L’inquiétude dépasse le seul cercle des associations. La principale organisation syndicale des juges et procureurs, l’Union syndicale des magistrats (USM), a publiquement exprimé son mécontentement. Elle s’alarme des effets de la médiation obligatoire, considérée comme un obstacle qui pourrait saturer davantage un système judiciaire déjà en tension, tout en freinant les recours légitimes.
Selon l’APRA, le Décret 2025-772 ne se contente pas de compliquer la vie des passagers. Il violerait aussi plusieurs principes fondamentaux, parmi lesquels :
- la primauté et l’effet utile du droit européen, qui garantissent l’application effective des droits des voyageurs ;
- la législation française qui proscrit la médiation imposée ;
- le droit constitutionnel de tout citoyen à un recours juridictionnel effectif.
« Le gouvernement ne doit pas ériger de nouvelles barrières à l’accès à la justice. Ce décret ne fait qu’aider les compagnies aériennes à retarder ou rejeter des réclamations légitimes, tout en augmentant les coûts pour les passagers », dénonce Tomasz Pawliszyn, président de l’APRA. « Au lieu de résoudre les litiges, il mine les droits fondamentaux des voyageurs. »
Face à ce qu’elle juge comme une « dérive anti-passagers », l’association appelle désormais les institutions européennes à vérifier la conformité du décret avec le droit de l’Union, les collectifs de consommateurs à contester la nouvelle réglementation, et les voyageurs eux-mêmes à rester vigilants.
L’enjeu dépasse la simple indemnisation : il s’agit, selon l’APRA, de maintenir l’intégrité d’un cadre juridique qui, depuis deux décennies, a renforcé la confiance des Européens dans leurs droits en cas de perturbation aérienne.

Filoustyle a commenté :
22 septembre 2025 - 18 h 51 min
Rien de tel pour faire fuir les passagers de l’aérien comme moi du moins en Europe.
Si les passagers n’ont plus aucun droits et se sentent à la merci des compagnies aérienne sans rendre des comptes comme la France le souhaite